Objectifs et principes de la détermination de la peine

De Le carnet de droit pénal
Version datée du 8 octobre 2024 à 22:38 par AdminF (discussion | contributions) (Remplacement de texte : « 1fqn2 » par « 1fqn1 »)
Cette page a été mise à jour ou révisée de manière substantielle pour la dernière fois janvier 2020. (Rev. # 24291)
n.b.: Cette page est expérimentale. Si vous repérez une grammaire ou un texte anglais clairement incorrect, veuillez m'en informer à [email protected] et je le corrigerai dès que possible.

Introduction

Voir également: Objectifs énumérés de la détermination de la peine

Les objectifs et les principes de la détermination de la peine pour les infractions criminelles sont énoncés à la partie XXIII du Code Criminel. Les principes énumérés s'appliquent aux infractions punissables par mise en accusation ainsi qu'aux infractions punissables par procédure sommaire.[1]

L'objectif général de la détermination de la peine est de protéger le public. Les objectifs codifiés visent à favoriser cet objectif.[2]

Les dispositions relatives à la détermination de la peine fournissent des orientations aux juges dans l’application des peines disponibles pour des délinquants particuliers. Le régime de détermination de la peine du Code criminel et de la jurisprudence établit les objectifs en jeu dans toutes les déterminations de la peine. Ces objectifs peuvent entrer en conflit les uns avec les autres et doivent donc être mis en balance les uns avec les autres dans chaque cas. Les principes de détermination de la peine guident le juge pour déterminer comment équilibrer ces objectifs et comment parvenir à la décision la plus appropriée.

Objectif de la codification des principes de détermination de la peine

Les articles 718 à 718.2 codifient les objectifs et les principes de détermination de la peine et visent à « apporter plus de cohérence et de clarté » à la détermination de la peine.[3]

Voir Objectifs énumérés de la détermination de la peine pour le texte législatif.

Les dispositions relatives à la détermination de la peine sont interprétées de manière libérale

Les articles 718 à 718.2 doivent être interprétés comme « réparateurs » et « recevoir une interprétation juste, large et libérale » pour atteindre leurs objectifs.[4]

La détermination de la peine communique des valeurs communes

Le système de détermination de la peine n'est pas simplement une méthode d'imposition de sanctions ou de frais à un délinquant pour prévenir une conduite préjudiciable, mais plutôt un système qui vise à imposer des peines qui « inculquent de manière positive l'ensemble de valeurs fondamentales partagées par tous les Canadiens, tel qu'exprimé par le Code criminel ».[5]

Les tribunaux doivent mettre la loi, y compris la détermination des peines, en harmonie avec les valeurs sociales dominantes et doivent donc refléter l’évolution de ces valeurs.[6]

Condamnation axée sur les comportements passés

La condamnation se limite à tenir compte des actes passés des délinquants et n'a pas pour but « en soi » d'écarter les personnes dangereuses simplement en prévision de préjudices futurs.[7]

L'uniformité n'est pas un objectif souhaitable

L'objectif de la détermination de la peine n'est pas l'uniformité de la peine, car cela serait impossible et indésirable. L'objectif est plutôt d'assurer l'uniformité de l'approche.[8]

Pas de vengeance

Les principes de détermination de la peine ne devraient pas inclure la notion de « vengeance ». Une peine ne devrait pas avoir pour but « d'établir une équivalence entre la perte des victimes et la sanction imposée ».[9]

Aucune croyance personnelle du juge

Les juges ne sont pas autorisés à appliquer leurs propres croyances ou opinions personnelles qui sont contraires aux principes de détermination de la peine.[10]

Constitution

Les principes énoncés aux articles 718 à 718.2 n'ont pas de statut constitutionnel et ne sont pas des principes de justice fondamentale. Les principes de détermination de la peine sont déterminés uniquement par le législateur et peuvent faire l'objet d'un examen en vertu de l'article 12 de la « Charte » lorsqu'ils sont « grossièrement disproportionnés ».[11]

  1. R c Solowan, 2008 CSC 62 (CanLII), [2008] 3 RCS 309, par Fish J, au para 16 ("In short, the sentencing principles set out in Part XXIII of the Criminal Code apply to both indictable and summary conviction offences. Parliament has made that clear in the definition of “court” at s. 716 of the Code. And when the Crown elects to prosecute a “hybrid” offence by way of summary conviction, the sentencing court is bound by the Crown’s election to determine the appropriate punishment within the limits established by Parliament for that mode of procedure.")
  2. R c Berner, 2013 BCCA 188 (CanLII), par curiam, au para 9 (the “purpose of sentencing is to protect the public through sanctions a court imposes upon a person found guilty of committing an offence. Each codified objective of sentencing is designed to further the protection of the community.”)
    R c Wallner, 1988 ABCA 308 (CanLII), par J, au para 8 ("Unquestionably a principal aim of sentencing is “protection of the public”.")
  3. R c Nasogaluak, 2010 CSC 6 (CanLII), [2010] 1 RCS 206, par LeBel J, au para 39
  4. Article 12 de la Loi d'interprétation
    examiné dans R c Gladue, 1999 CanLII 679 (CSC), [1999] 1 RCS 688, par Cory and Iacobucci JJ, au para 26
  5. R c CAM, 1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 RCS 500, par Lamer CJ, au para 81
  6. R c Stone, 1999 CanLII 688 (CSC), [1999] 2 RCS 290, par Bastarache J citing CAM, supra
  7. R c Knoblauch, 2000 CSC 58 (CanLII), [2000] 2 RCS 780, par Arbour J, au para 16 ("There is no mechanism in criminal law to remove dangerous people from society merely in anticipation of the harm that they may cause. The limit of the reach of the criminal sanction is to address what offenders have done.")
  8. R c Christie, 2004 ABCA 287 (CanLII), 189 CCC (3d) 274, par Sullivan JA, aux paras 42, 52
  9. R c Gadbois, 2024 ONCJ 172 (CanLII), par J, au para 52
    R v Booker [2021] OJ 6853 per West J
  10. R c Song, 2009 ONCA 896 (CanLII), 249 CCC (3d) 289, par curiam
  11. R c Safarzadeh-Markhali, 2016 CSC 14 (CanLII), [2016] 1 RCS 180, par McLachlin CJ, aux paras 70 à 71
    cf. R c Ipeelee, 2012 CSC 13 (CanLII), [2012] 1 RCS 433, par Lebel J, au para 36 ("proportionality in sentencing could aptly be described as a principle of fundamental justice under s. 7 of the Charter")

Déterminer une peine appropriée

L'objectif principal de la détermination de la peine est de déterminer une peine « juste et appropriée » qui reflète la gravité de l'infraction et la culpabilité morale du délinquant.[1]

La détermination d’une peine appropriée est un exercice d’application des principes de détermination de la peine aux faits d’une affaire donnée.[2]

La détermination de la peine consiste à « fixer une peine appropriée [qui] est le produit des effets combinés des circonstances de l'infraction en question et des caractéristiques uniques du délinquant en question. »[3]

La détermination de la peine comme étant « délicate », « contextuelle » et « subjective »

Il s'agit d'un « processus profondément subjectif ».[4] Il s’agit également d’un processus « profondément contextuel » laissant une large marge de manœuvre aux juges.[5] Elle met en balance des principes, des objectifs et des facteurs concurrents, voire antagonistes.[6] Elle doit mettre en balance « tous les facteurs pertinents afin d’atteindre les objectifs poursuivis dans la détermination de la peine ».[7]

Il s'agit de « l'une des étapes les plus délicates » d'une procédure pénale.[8]

La détermination de la peine comme moyen d'équilibre

Le processus de détermination de la peine consiste à trouver un équilibre entre « les objectifs sociétaux de la détermination de la peine et la culpabilité morale du délinquant et les circonstances de l'infraction ».[9]

Obligation de tenir compte de toutes les circonstances

Le juge doit tenir compte de toutes les circonstances de l'infraction et du délinquant.[10]

Étape analytique pour une peine appropriée

Le processus commence par l'examen des objectifs de la détermination de la peine énoncés à l'art. 718 afin de déterminer l'équilibre approprié des objectifs.[11]

Le juge doit ensuite « examiner et évaluer la gravité globale de l'infraction ou des infractions commises et les circonstances dans lesquelles elles ont été commises. Cela reflète le principe fondamental de l'équité selon lequel la peine est adaptée au crime. » [12] La nature et la gravité de l'infraction constituent le « facteur central de la détermination de la peine ».[13]

Le processus de détermination de la peine implique la prise en compte des principes suivants dans chaque décision :[14]

  • "the objectives of denunciation, deterrence, separation of offenders from society, rehabilitation of offenders, and acknowledgment of and reparations for the harm they have done (s. 718)...";
  • « le principe fondamental selon lequel la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant (art. 718.1) » ; et
  • « les principes selon lesquels une peine doit être augmentée ou réduite pour tenir compte des circonstances aggravantes ou atténuantes, qu'une peine doit être semblable à d'autres peines imposées dans des circonstances similaires [c.-à-d. le principe de parité], que les sanctions les moins restrictives doivent être identifiées et que les sanctions disponibles autres que l'emprisonnement doivent être prises en considération (art. 718.2) [c.-à-d. le principe de retenue] ».[15]
Mauvaise catégorisation des catégories d'infractions

Une mauvaise caractérisation de la catégorisation judiciaire de l'infraction ne constitue pas une erreur de droit ou une erreur de principe. L'appel ne sera possible que si l'analyse aboutit à une peine inappropriée.[16]

Absence de fourchettes de peines établies

Sans orientation spécifique d'une cour d'appel, la fourchette de peines possibles pour une infraction est large.[17]

Absence de principes primordiaux établis

Lorsque la jurisprudence n'a pas établi d'objectifs primordiaux en matière de détermination de la peine, « le tribunal chargé de la détermination de la peine a le pouvoir discrétionnaire de déterminer quels objectifs de détermination de la peine devraient être considérés comme primordiaux dans les circonstances particulières de chaque cas. »[18]

Détermination de la peine retirée de la philosophie ou de la préférence

Une peine doit être fondée sur les faits, y compris la conduite de l'accusé, et non sur la philosophie ou les préférences du juge.[19]

Détermination de la peine
« art » ou « science »

La détermination de la peine est souvent qualifiée d'« art » plutôt que de science.[20] ; Relation du juge avec la juridiction On dit qu'un juge qui prononce la peine, « en raison de sa proximité avec les collectivités qu'il sert, est bien placé pour comprendre comment les objectifs de la détermination de la peine peuvent être atteints à l'égard d'un délinquant particulier dans une collectivité particulière. »[21]

  1. R c MCA, 1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 RCS 500, au para 82 ("In the final analysis, the overarching duty of a sentencing judge is to draw upon all the legitimate principles of sentencing to determine a "just and appropriate" sentence which reflects the gravity of the offence committed and the moral blameworthiness of the offender.")
  2. R c Ferguson, 2008 CSC 6 (CanLII), [2008] 1 RCS 96, par McLachlin CJ, au para 15 ("The appropriateness of a sentence is a function of the purpose and principles of sentencing set out in ss. 718 to 718.2 of the Criminal Code as applied to the facts that led to the conviction.")
  3. R c Hamilton, 2004 CanLII 5549 (ON CA), 186 CCC (3d) 129, par Doherty JA, au para 87
  4. R c Shropshire, 1995 CanLII 47 (CSC), [1995] 4 RCS 227, par Iacobucci J, au para 46
  5. R c LM, 2008 CSC 31 (CanLII), [2008] 2 RCS 163, par LBel J, au para 51
  6. R c Jacko, 2010 ONCA 452 (CanLII), 256 CCC (3d) 113, par Watt JA, au para 48
  7. R c Lacasse, 2015 CSC 64 (CanLII), [2015] 3 RCS 1089, par Wagner J, au para 1
  8. , ibid., au para 1
  9. R c CAM, 1996 CanLII 230 (CSC), [1996] 1 RCS 500, par Lamer CJ, au para 91
  10. R c Nasogaluak, 2010 CSC 6 (CanLII), [2010] 1 RCS 206, par LeBel J, au para 44
  11. jvwfm, au para 33
  12. R c DGF, 2010 ONCA 27 (CanLII), 250 CCC (3d) 291, par Feldman JA, au para 18
  13. F(DG), au para 18
  14. R c LM, 2008 CSC 31 (CanLII), [2008] 2 RCS 163, par LeBel J, au para 17
  15. Annotations ajoutées
  16. R c JAG, 2008 MBCA 55 (CanLII), 232 CCC (3d) 402, par Monnin JA, au para 9
  17. R c Arcand, 2010 ABCA 363 (CanLII), 264 CCC (3d) 134, par curiam, au para 68
  18. R c Yau, 2011 ONSC 1009 (CanLII), OJ No 720, par MacDonnell J, au para 13
  19. , ibid., au para 70
  20. p. ex. R c Pilon, 2014 ONCA 79 (CanLII), par Goudge JA, au para 18
    R c Arganda (J.R.), 2011 MBCA 54 (CanLII), 268 Man R (2d) 194, par MacInnes JA, au para 38
  21. R c Macintyre-Syrette, 2018 ONCA 259 (CanLII), 46 CR (7th) 78, par Juriansz JA, au para 25

Principes secondaires

Les principes secondaires de la détermination de la peine sont énumérés à l'art. 718.2 :

Principes de détermination de la peine

718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :
[omis (a)]

b) l’harmonisation des peines, c’est-à-dire l’infliction de peines semblables à celles infligées à des délinquants pour des infractions semblables commises dans des circonstances semblables;
c) l’obligation d’éviter l’excès de nature ou de durée dans l’infliction de peines consécutives;
d) l’obligation, avant d’envisager la privation de liberté, d’examiner la possibilité de sanctions moins contraignantes lorsque les circonstances le justifient;[1]
e) l’examen, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones, de toutes les sanctions substitutives qui sont raisonnables dans les circonstances et qui tiennent compte du tort causé aux victimes ou à la collectivité.

1995, ch. 22, art. 6; 1997, ch. 23, art. 17; 2000, ch. 12, art. 95; 2001, ch. 32, art. 44(F), ch. 41, art. 20; 2005, ch. 32, art. 25; 2012, ch. 29, art. 2; 2015, ch. 13, art. 24, ch. 23, art. 16; 2017, ch. 13, art. 4; 2019, ch. 25, art. 293; 2021, ch. 27, art. 5

CCC (CanLII), (Jus.)


Note: 718.2

Codification de la common law

Les principes énoncés à l'art. 718.2(a),(b) et (c) ne sont que des « reformulations de la jurisprudence ».[2] Les alinéas 718.2(d) et (e) sont cependant plus que de simples directives du Parlement visant à envisager des « sanctions autres que l'emprisonnement ». Ils obligent les tribunaux à considérer la contrainte comme un principe égal à tous les autres principes énoncés à l'art. 718.2 et « réduire l'incarcération institutionnelle ».[3]

  1. R c Hamilton, 2004 CanLII 5549 (ON CA), 186 CCC (3d) 129, par Doherty JA
    R c DL, 1990 CanLII 5415 (BCCA), 53 CCC 365 (BCCA), par McEachern JA
  2. R c MacDonald, 1997 CanLII 9710 (SK CA), 113 CCC (3d) 418, par Vancise JA et Lane JA, au para 146
  3. , ibid., au para 147

Sujets

Objectifs et principes de certains types d'infractions

Voir également