Suspension des procédures par la Couronne

De Le carnet de droit pénal
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Principes généraux

Voir également: Suspension des procédures et Suspension judiciaire des procédures

Une suspension des procédures demandée par la Couronne est distincte d'une suspension judiciaire des procédures.

Le pouvoir de suspendre les poursuites s'applique également aux poursuites de la Couronne et aux poursuites privées.[1] Pré-enquête, lorsque les intérêts de la partie qui engage des poursuites privées entrent en conflit avec ceux de la Couronne, le rôle de la Couronne est primordial.[2]

La Couronne peut ordonner la suspension d’une procédure en vertu de l’art. 579 :

Arrêt des procédures

579 (1) Le procureur général ou le procureur mandaté par lui à cette fin peut, à tout moment après le début des procédures à l’égard d’un prévenu ou d’un défendeur et avant jugement, ordonner au greffier ou à tout autre fonctionnaire compétent du tribunal de mentionner au dossier que les procédures sont arrêtées sur son ordre et cette mention doit être faite séance tenante; dès lors, les procédures sont suspendues en conséquence et toute promesse ou ordonnance de mise en liberté afférente est annulée.


[omis (2)]
L.R. (1985), ch. C-46, art. 579L.R. (1985), ch. 27 (1er suppl.), art. 117; 2019, ch. 25, art. 264

CCC (CanLII), (Jus.)


Note: 579(1)

This provision came into force on 18 décembre 2019.

Cette section est une codification de l'ancien pouvoir de common law de la Couronne, « nolle prosequi », qui permet de suspendre la procédure.[3]

Pouvoir discrétionnaire de sursis

Il s'agit d'un droit de la Couronne dans la mesure où toutes les procédures pénales sont menées au nom de la Reine.[4]

La décision de suspendre une procédure est unilatérale. Le juge n'a pas le pouvoir de contrôler ou de diriger les actions de la Couronne en ce qui concerne la suspension d'une procédure.[5] L'inscription d'un sursis doit être adressée au greffier du tribunal et non au juge lui-même.[6]

Un sursis de procédure de la Couronne fait partie du « cœur » du pouvoir discrétionnaire de poursuite.[7]

Moment du sursis

Le libellé du par. 579(1) a été interprété comme permettant une demande à tout moment après le dépôt d'une dénonciation.[8] Il n'est pas nécessaire que la Couronne attende la décision du juge ou du juge de paix pour lancer un acte de procédure.[9]

Motif de la suspension

Il n’est pas nécessairement abusif de suspendre une procédure pour protéger l’identité d’un informateur et de la reprendre ultérieurement.[10] Il incombe au demandeur de démontrer qu’il y a eu abus de procédure en suspendant la procédure.[11]

Effets d'un sursis

Une fois que le sursis de la Couronne a été prononcé, toutes les ordonnances de garde ou de mise en liberté sous caution sont levées.[12]

Toutefois, toutes les affaires relatives à la poursuite ne sont pas abandonnées après l'imposition d'un sursis. Les manquements aux conditions et les défauts de comparaître devant le tribunal pendant que les accusations étaient en vigueur continueront.[13]

Le choix du mode de procès par l'accusé demeure en vigueur pendant toute la durée de la suspension jusqu'au moment où la suspension devient permanente.[14]

Constitutionnalité

Le pouvoir de la Couronne de suspendre une instance n'est pas inconstitutionnel.[15]

Poursuites privées

La Couronne peut suspendre une poursuite privée en vertu de l'art. 579. Cette suspension est susceptible de révision en tant que recours extraordinaire en vertu du Code.

Il n'est pas interdit à une personne déclarée plaideur quérulent aux fins d'un litige civil de contester un tel sursis.[16]

Contrôle judiciaire
Voir également: Abus de procédure par le procureur de la Couronne

Bien qu'il y ait une « déférence considérable » à l'égard de l'exercice par la Couronne du pouvoir de suspendre une instance, la décision n'est révisable « que » pour abus de procédure.[17]

La charge de la preuve incombe au demandeur, qui doit prouver les éléments de l'abus selon la prépondérance des probabilités.[18]

  1. Glegg, infra, au para 39
  2. Glegg, infra, au para 39
    Re Bradley et al and The Queen, 1975 CanLII 766 (ON CA), 24 CCC (2d) 482, par Arnup JA, au p. 490
  3. Whitehead v Ferris, P.C.J., and Saskatchewan (Attorney General), 1989 CanLII 4656 (SK QB), 76 Sask R 78, par Wimmer J, au para 4
  4. R c Cooke, Dingman and Whitton, 1948 CanLII 357 (AB QB), 91 CCC 310, par McBride J
    R c McKay, 1979 CanLII 2185 (SK CA), [1979] 4 WWR 90, 9 CR (3d) 378, par Culliton CJ
  5. R c Cunsolo, 2008 CanLII 48640 (ONSC), , [2008] OJ No 3754; 180 CRR (2d) 174 (Ont. Sup. Ct.), par Hill J, au para 27
    R c Larosa, 2002 CanLII 45027 (ON CA), 166 CCC (3d) 449, par Doherty JA (3:0), au para 41
    R c Smith, 1992 CanLII 325 (BC CA), 79 CCC (3d) 70, par Hollinrake JA (3:0), au para 25
  6. McKay, supra, au para 12
  7. R c Glegg, 2021 ONCA 100 (CanLII), par Watt JA, au para 39
  8. Glegg, supra, au para 45
    R c McHale, 2010 ONCA 361 (CanLII), 256 CCC (3d) 26, par Watt JA, aux paras 85 to 87, 89
    R c Vasarhelyi, 2011 ONCA 397 (CanLII), 272 CCC (3d) 193, par Watt JA, au para 49
    R c Pardo, 1990 CanLII 10957 (QC CA), 62 CCC (3d) 371, par Gendreau JA, aux pp. 373-74
    R c Klippenstein, 2019 MBCA 13 (CanLII), 152 WCB (2d) 551, au para 7
    R c Linamar Holdings Inc, 2007 ONCA 873 (CanLII), 76 WCB (2d) 120, aux paras 9 to 10
  9. Glegg, supra, au para 45
  10. R c Scott, 1990 CanLII 27 (CSC), [1990] 3 RCS 979, par Juge Cory (5:4)
  11. R c N(D), 2004 NLCA 44 (CanLII), 188 CCC (3d) 89, par Juge en chef Wells
  12. Cunsolo, supra, au para 27
  13. R c CW, 2011 ABPC 205 (CanLII), 512 AR 310, par Lefever DCJ, aux paras 36 à 37
  14. R c Mann, 2012 BCSC 1248 (CanLII), par Bernard J
  15. Cunsolo, supra, au para 27
    R c Fortin, [1989] OJ No 123 (CA)(*pas de liens CanLII) , au para 1
  16. Holland v British Columbia (Attorney General), 2020 BCCA 304 (CanLII), 394 CCC (3d) 552, par Harris JA, au para 31
  17. Glegg, supra, au para 40
    R c Anderson, 2014 CSC 41 (CanLII), [2014] 2 RCS 167, par Moldaver JA, au para 48
    Krieger v Law Society of Alberta, 2002 CSC 65 (CanLII), [2002] 3 RCS 372, par Iacobucci AND Major JJ, au para 32
    R c Nixon, 2011 CSC 34 (CanLII), [2011] 2 RCS 566, par Charron J, au para 31
  18. Glegg, supra, au para 41

Relancer une procédure suspendue

Voir également: Plaidoyer de non-culpabilité et autres plaidoyers

Pour reprendre la procédure, la Couronne doit en aviser le greffier du tribunal. Une nouvelle information n'est pas nécessaire.[1]

La Couronne doit fournir une signification personnelle à l'accusé et peut utiliser une assignation pour contraindre l'accusé à revenir devant le tribunal.[2]

La décision de suspendre une instance en vertu de l'art. 579 fait partie de la fonction principale du procureur et appelle un degré élevé de déférence.[3]

579
[omis (1)]
Reprise des procédures

(2) Les procédures arrêtées conformément au paragraphe (1) peuvent être reprises sans nouvelle dénonciation ou sans nouvel acte d’accusation, selon le cas, par le procureur général ou le procureur mandaté par lui à cette fin en donnant avis de la reprise au greffier du tribunal où les procédures ont été arrêtées; cependant lorsqu’un tel avis n’est pas donné dans l’année qui suit l’arrêt des procédures ou avant l’expiration du délai dans lequel les procédures auraient pu être engagées, si ce délai expire le premier, les procédures sont réputées n’avoir jamais été engagées.

L.R. (1985), ch. C-46, art. 579L.R. (1985), ch. 27 (1er suppl.), art. 1172019, ch. 25, art. 264

CCC (CanLII), (Jus.)


Note: 579(2)

Rétablissement abusif

Certains suggèrent que le recours à une suspension de procédure par la Couronne dans le but d'éviter une demande d'ajournement est abusif.[4]

  1. R c Velvick, 1976 CanLII 1300 (AB QB), 33 CCC (2d) 447, par McFadyen J
  2. R c Dube (1986), 17 WCB 213 (Ont. Dist. Ct.)(*pas de liens CanLII)
  3. R c Cunsolo, 2008 CanLII 48640 (ONSC), [2008] OJ No 3754, par Hill J, au para 27
  4. R c Cole, 1998 CanLII 2425 (NS SC), 126 CCC (3d) 159, par Hood J
    Cf. R c Cole, 2000 NSCA 42 (CanLII), 143 CCC (3d) 417, par Bateman JA, au para 49 (The Court had “grave doubts as to the propriety of the [application judge’s] ruling” and considered the decision a "novel" interpretation of of Crown discretion)
    voir également R c Parkin, 1986 CanLII 4640 (ON CA), 28 CCC (3d) 252, 16 WCB 167, par Thorson J - re-lay to avoid limitation period
    voir également R c Quinn, 1989 CanLII 959 (QC CA), 48 CRR 314, 54 CCC (3d) 157, par curiam - re-lay to avoid limitation period

Procédure relative à la Loi sur le précontrôle

Ordre d’arrêt des procédures

579.001 (1) Le procureur général ou le procureur mandaté par lui à cette fin, à tout moment après le début des procédures ayant trait à l’acte — action ou omission — d’un contrôleur, au sens de l’article 5 de la Loi sur le précontrôle (2016), et avant jugement, ordonne au greffier ou à tout autre fonctionnaire compétent du tribunal de mentionner au dossier que les procédures sont arrêtées sur son ordre, si le gouvernement des États-Unis a transmis, aux termes du paragraphe 14 de l’article X de l’Accord, un avis portant qu’il exerce sa priorité de juridiction en matière pénale.

Arrêt des procédures

(2) Le greffier ou l’autre fonctionnaire compétent du tribunal fait cette mention séance tenante; dès lors, les procédures sont suspendues en conséquence et tout engagement qui s’y rapporte est annulé.

Reprise

(3) Les procédures peuvent être reprises, selon le cas, sans nouvelle dénonciation ou sans nouvel acte d’accusation si le procureur général ou le procureur mandaté par lui à cette fin donne au greffier ou à l’autre fonctionnaire du tribunal un avis portant :

a) soit que le gouvernement des États-Unis a transmis un avis de renonciation aux termes du paragraphe 15 de l’article X de l’Accord;
b) soit que le gouvernement des États-Unis a renoncé à poursuivre l’accusé — ou n’est pas en mesure de le faire — et que celui-ci est revenu au Canada.
Procédures réputées ne pas avoir été engagées

(4) Si aucun avis n’est donné par un procureur au titre du paragraphe (3) au premier anniversaire de l’arrêt des procédures ou à une date antérieure, les procédures sont réputées n’avoir jamais été engagées.

Définition de Accord

(5) Au présent article, Accord s’entend de l’Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique relatif au précontrôle dans les domaines du transport terrestre, ferroviaire, maritime et aérien, fait à Washington le 16 mars 2015.

2017, ch. 27, art. 62


[annotation(s) ajoutée(s)]

CCC (CanLII), (Jus.)


Note: 579.001(1), (2), (3), (4), et (5)

Voir aussi