Interprétation des modifications législatives

De Le carnet de droit pénal
Cette page a été mise à jour ou révisée de manière substantielle pour la dernière fois janvier 2021. (Rev. # 17467)

Principes généraux

Voir également: Liste des modifications législatives
Présomption d'intention

Les modifications sont présumées être apportées dans un « but intelligent » tel que « clarifier ou corriger une erreur dans la promulgation ou modifier la loi ».[1]

Lois rétroactives et rétrospectives

Une loi « rétroactive » est un amendement qui modifie l'interprétation de la loi telle qu'elle aurait été appliquée avant l'existence de l'amendement.[2] Une loi « rétrospective » est un amendement qui s’applique uniquement à compter de la date de promulgation, mais qui modifie l’effet juridique des événements survenus avant la promulgation.[3]

  1. R c AA, 2015 ONCA 558 (CanLII), 327 CCC (3d) 377, par Watt JA, au para 69 ("when a statute is amended by the legislature, we presume that the amendment was made for an intelligible purpose, such as clarifying or correcting a mistake in the enactment or change in the law: ... . Section 45(2) of the Interpretation Act, ... makes it clear that an amendment is not deemed to involve a declaration that the pre-amendment law was or was considered by Parliament to be different from the post-amendment law.")
    Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes, 5th ed. (LexisNexis, 2008), au p. 579
    see also s. 45(2) of the Interpretation Act
  2. e.g. R c RS, 2019 ONCA 906 (CanLII), OJ No 5773, par Doherty JA, aux paras 21 and 25 ("Retroactive laws refer to legislation that deems the law to have been something different than it actually was as of a date that precedes the enactment of the law. Truly retroactive laws are rare and commonly target a specific situation with language aimed at addressing a very specific problem.")
  3. , ibid., aux paras 23, 26 ("Retrospective laws operate only from the date of enactment, but change the legal effects, on a going forward basis, of events that occurred before the enactment.")

Application des lois antérieures

Les modifications n'ont généralement d'effet rétroactif que dans des circonstances exceptionnelles. Il existe une présomption contre la rétroactivité lorsqu'un droit acquis ou substantiel est affecté.[1]

Présomption de prospective

Lorsqu'une modification porte atteinte à des droits substantiels, il existe une présomption réfutable selon laquelle elle s'applique uniquement de manière prospective.[2]

Droits constitutionnels

Lorsqu'une modification à une loi porte atteinte à un droit constitutionnel, cela signifie généralement que la loi ne sera pas rétrospective.[3] Cette méthode est préférée à l'ancienne méthode consistant à déterminer si la loi est « procédurale » ou « substantielle ».[4]

Modifications du droit substantiel

Lorsqu'une modification du droit substantiel a été apportée, seule la loi telle qu'elle existait à la date de l'infraction prévaudra lors d'un procès survenant après la date de la modification.[5]

Modifications procédurales

Une nouvelle législation qui est « conçue pour régir uniquement la manière dont les droits sont revendiqués ou appliqués » est de nature procédurale et « n'affecte pas la substance de ces droits ». La loi s'appliquerait alors à la fois aux « affaires en cours et futures ».[6]

Effet d'une modification sur les défenses disponibles

Une modification qui a un effet sur le contenu ou l'existence d'une défense disponible suggère qu'elle affecte des droits substantiels et qu'elle n'est donc pas rétrospective.[7]

Une telle modification d'un droit substantiel ne sera rétrospective que s'il existe une « intention législative claire » que la nouvelle disposition s'applique rétrospectivement.[8]

  1. R c Dineley, 2012 SCC 58 (CanLII), [2012] 3 SCR 272
  2. R c RS, 2019 ONCA 906 (CanLII), OJ No 5773, par Doherty JA, au para 27
  3. , ibid.
  4. , ibid.
  5. R c Zhu, 2019 ABPC 74 (CanLII), par Cummings J
    R c KRJ, 2016 SCC 31 (CanLII), 337 CCC (3d) 285, per Karakatsanis J
    R c Clarke, 2014 SCC 28 (CanLII), par Abella J
    Dinely, supra
  6. , ibid., au para 10
  7. , ibid. - la suppression de la défense Carter crée une présomption contre la rétroactivité
  8. R c Singh, 2016 ONSC 3739 (CanLII), 131 WCB (2d) 140, au para 44
    Dineley, supra, au para 10

Effet d'une augmentation de la portée de la défense Sanctions

L'augmentation de la peine maximale constitue une « indication claire pour les tribunaux de la gravité de la conduite criminelle visée par les changements dans la société contemporaine ».[1] Cette augmentation devrait être respectée par les juges de condamnation en imposant des peines plus lourdes qu'auparavant.[2] Cela entraînera également un « déplacement » de la répartition des peines proportionnelles.[3]

Certains craignent que l'augmentation des peines minimales ne soit pas interprétée comme une « augmentation excessive ».[4]

  1. R c Richardson, [2006] EWCA Crim 3186(*pas de liens CanLII) , au para 4
  2. R c Friesen, 2020 SCC 9 (CanLII), 391 CCC (3d) 309, per Wagner CJ and Rowe J, au para 100 ("To respect Parliament’s decision to increase maximum sentences, courts should generally impose higher sentences than the sentences imposed in cases that preceded the increases in maximum sentences. ... Parliament’s view of the increased gravity of the offence as reflected in the increase in maximum sentences should be reflected in [translation] “toughened sanctions” ... Sentencing judges and appellate courts need to give effect to Parliament’s clear and repeated signals to increase sentences imposed for these offences.")
  3. Friesen au para 97
    R c Reeve, 2020 ONCA 381 (CanLII), par Fairburn JA, au para 39
  4. R c WE, 2010 NLCA 4 (CanLII), (2010) 251 CCC (3d) 213
    voir aussi Peines maximales et minimales

Effet sur les procédures antérieures en cours

Lorsque la loi est modifiée d'une manière de nature procédurale, elle s'applique à toutes les questions, quelle que soit la date de l'infraction. Une modification de la loi qui supprime ou ajoute un droit ne s'appliquera qu'aux infractions postérieures à la date de la modification.[1]

« Il n’est généralement pas dans l’intérêt public de retarder les procès simplement parce qu’une action en cours devant les tribunaux supérieurs pourrait avoir un effet sur le procès. »[2]

  1. R c Wildman, 1984 CanLII 82 (SCC), [1984] 2 SCR 311
    See also: R c Bickford, 1989 CanLII 7238 (ON CA), 51 CCC (3d) 181
  2. R c Baker, 1994 CanLII 4153 (NSCA), [1994] NSJ 135 (NSCA)

Effet de l'abrogation de la loi

Effet de l’abrogation

43. L’abrogation, en tout ou en partie, n’a pas pour conséquence :

a) de rétablir des textes ou autres règles de droit non en vigueur lors de sa prise d’effet;
b) de porter atteinte à l’application antérieure du texte abrogé ou aux mesures régulièrement prises sous son régime;
c) de porter atteinte aux droits ou avantages acquis, aux obligations contractées ou aux responsabilités encourues sous le régime du texte abrogé;
d) d’empêcher la poursuite des infractions au texte abrogé ou l’application des sanctions — peines, pénalités ou confiscations — encourues aux termes de celui-ci;
e) d’influer sur les enquêtes, procédures judiciaires ou recours relatifs aux droits, obligations, avantages, responsabilités ou sanctions mentionnés aux alinéas c) et d).

Les enquêtes, procédures ou recours visés à l’alinéa e) peuvent être engagés et se poursuivre, et les sanctions infligées, comme si le texte n’avait pas été abrogé.

S.R., ch. I-23, art. 35.

IA


Note up: 43

Abrogation et remplacement

44. En cas d’abrogation et de remplacement, les règles suivantes s’appliquent :

a) les titulaires des postes pourvus sous le régime du texte antérieur restent en place comme s’ils avaient été nommés sous celui du nouveau texte, jusqu’à la nomination de leurs successeurs;
b) les cautions ou autres garanties fournies par le titulaire d’un poste pourvu sous le régime du texte antérieur gardent leur validité, l’application des mesures prises et l’utilisation des livres, imprimés ou autres documents employés conformément à ce texte se poursuivant, sauf incompatibilité avec le nouveau texte, comme avant l’abrogation;
c) les procédures engagées sous le régime du texte antérieur se poursuivent conformément au nouveau texte, dans la mesure de leur compatibilité avec celui-ci;
d) la procédure établie par le nouveau texte doit être suivie, dans la mesure où l’adaptation en est possible :
(i) pour le recouvrement des amendes ou pénalités et l’exécution des confiscations imposées sous le régime du texte antérieur,
(ii) pour l’exercice des droits acquis sous le régime du texte antérieur,
(iii) dans toute affaire se rapportant à des faits survenus avant l’abrogation;
e) les sanctions dont l’allégement est prévu par le nouveau texte sont, après l’abrogation, réduites en conséquence;
f) sauf dans la mesure où les deux textes diffèrent au fond, le nouveau texte n’est pas réputé de droit nouveau, sa teneur étant censée constituer une refonte et une clarification des règles de droit du texte antérieur;
g) les règlements d’application du texte antérieur demeurent en vigueur et sont réputés pris en application du nouveau texte, dans la mesure de leur compatibilité avec celui-ci, jusqu’à abrogation ou remplacement;
h) le renvoi, dans un autre texte, au texte abrogé, à propos de faits ultérieurs, équivaut à un renvoi aux dispositions correspondantes du nouveau texte; toutefois, à défaut de telles dispositions, le texte abrogé est considéré comme étant encore en vigueur dans la mesure nécessaire pour donner effet à l’autre texte.

S.R., ch. I-23, art. 36.

IA


Note up: 44

La référence à « encourir » a le même sens que « se rendre passible de », « s'attirer sur soi » ou « être soumis à ».[1]

Abrogation des infractions

Il semble qu'il soit possible de poursuivre une infraction qui a été abrogée par la loi, à condition que la conduite constituant l'infraction ait été accomplie avant l'amendement et que les délais de prescription aient été respectés.[2]

  1. R c Allan, 1979 CanLII 3025 (ON CA), 45 CCC (2d) 524, aux pp. 529-30
    Smith (Committee of) v Wawanesa Mutual Insurance Co., 1998 CanLII 18861 (ON SC), 168 DLR (4th) 750, par Campbell J
  2. see Re Yat Tung Tse and College of Physicians and Surgeons of Ontario, 1978 CanLII 1646 (ON SC), 18 OR (2d) 546, par Grange J
    R c Coles, 1969 CanLII 367 (ON CA), [1970] 1 OR 570, 9 DLR (3d) 65, [1970] 2 CCC 340