Autodéfense et défense d'autrui (pré-amendements 2013)

De Le carnet de droit pénal

Principes généraux

Voir également: Autodéfense et défense d'autrui

Le 11 mars 2013, le projet de loi C-26, Loi sur l’arrestation par des citoyens et la légitime défense, est entré en vigueur. Avant cette date, les dispositions du Code relatives à la légitime défense étaient les suivantes :

Self-defence against unprovoked assault

34 (1) Every one who is unlawfully assaulted without having provoked the assault is justified in repelling force by force if the force he uses is not intended to cause death or grievous bodily harm and is no more than is necessary to enable him to defend himself.

Extent of justification

(2) Every one who is unlawfully assaulted and who causes death or grievous bodily harm in repelling the assault is justified if

(a) he causes it under reasonable apprehension of death or grievous bodily harm from the violence with which the assault was originally made or with which the assailant pursues his purposes; and
(b) he believes, on reasonable grounds, that he cannot otherwise preserve himself from death or grievous bodily harm.

CCC (CanLII), (Jus.)


Note: 34(1) et (2)

Self-defence in case of aggression

35. Every one who has without justification assaulted another but did not commence the assault with intent to cause death or grievous bodily harm, or has without justification provoked an assault on himself by another, may justify the use of force subsequent to the assault if

(a) he uses the force
(i) under reasonable apprehension of death or grievous bodily harm from the violence of the person whom he has assaulted or provoked, and
(ii) in the belief, on reasonable grounds, that it is necessary in order to preserve himself from death or grievous bodily harm;
(b) he did not, at any time before the necessity of preserving himself from death or grievous bodily harm arose, endeavour to cause death or grievous bodily harm; and
(c) he declined further conflict and quitted or retreated from it as far as it was feasible to do so before the necessity of preserving himself from death or grievous bodily harm arose.

CCC (CanLII), (Jus.)


Note: 35

Provocation

36. Provocation includes, for the purposes of sections 34 and 35 , provocation by blows, words or gestures.

CCC (CanLII), (Jus.)


Note: 36

Preventing assault

37 (1) Every one is justified in using force to defend himself or any one under his protection from assault, if he uses no more force than is necessary to prevent the assault or the repetition of it.

Extent of justification

(2) Nothing in this section shall be deemed to justify the wilful infliction of any hurt or mischief that is excessive, having regard to the nature of the assault that the force used was intended to prevent.

CCC (CanLII), (Jus.)


Note: 37(1) et (2)

La différence entre le par. 34(2) et le par. 35 est que le par. 35 se limite aux cas où l'accusé est l'agresseur initial par provocation ou agression. Le par. 35 ne limite pas non plus explicitement le recours à la force dans les cas d'« agression illégale » et le par. 35 exige que l'accusé ait « refusé de participer à un autre conflit et qu'il ait quitté ou reculé autant qu'il était possible de le faire ».[1]

  1. R c Mohamed, 2014 ONCA 442 (CanLII), 310 CCC (3d) 123, par Rouleau JA (3:0), au para 34

Preuve de la défense

Pour toutes les infractions, il incombe à la Couronne de prouver hors de tout doute raisonnable que la défense ne s'applique pas[1]

  1. R c Cinous, 2002 CSC 29 (CanLII), [2002] 2 RCS 3, par McLachlin CJ and Bastarache J
    R c Ryan, 2011 NLCA 9 (CanLII), 944 APR 124, par Harrington JA (3:0) - in relation to s.34(2)

Agression non provoquée : art. 34(1)

Il incombe à la Couronne de prouver le contraire[1] at least one of the elements of the defence beyond a reasonable doubt:[2]

  1. l'accusé n'a pas fait de provocations
  2. agression de la victime contre le défendeur
  3. aucune intention du défendeur de causer la mort ou des lésions corporelles graves au moment de l'agression
  4. pas plus de force que nécessaire pour la légitime défense
  1. R c Cinous, 2002 CSC 29 (CanLII), [2002] 2 RCS 3, par McLachlin CJ and Bastarache J, au para 39
  2. see R c CJO, 2005 CanLII 43518 (ONSC), par Tulloch J, au para 21
    R c Grandin, 2001 BCCA 340 (CanLII), 154 CCC (3d) 408, par Finch JA (3:0), au para 35
    R c Bailey, 2010 BCCA 167 (CanLII), 253 CCC (3d) 509, par Saunders JA (3:0), au para 26

Agression causant : art. 34(2)

Il incombe à la Couronne de réfuter[1]

  1. l'accusé a
    1. été effectivement agressé, ou
    2. l'accusé
      1. appréhendait subjectivement qu'il était agressé ;
      2. il était raisonnable de croire qu'il était agressé ; et
      3. l'agression était raisonnablement appréhendée comme étant illégale.
  2. l'accusé a causé la mort ou des lésions corporelles graves ;
  3. le résultat causé a été obtenu en repoussant une agression ;
  4. l'accusé avait des motifs raisonnables de craindre la mort ou des lésions corporelles graves de la part de l'agresseur initial ;
  5. l'accusé croyait, pour des motifs raisonnables, qu'il ne pouvait pas autrement se protéger de la mort ou de lésions corporelles graves.
  6. l'accusé appréhendait un danger imminent

Where

  1. R c Pétel, 1994 CanLII 133 (CSC), [1994] 1 RCS 3, per Lamer CJ ("(1) the existence of an unlawful assault; (2) a reasonable apprehension of a risk of death or grievous bodily harm; and (3) a reasonable belief that it is not possible to preserve oneself from harm except by killing the adversary.")
    voir également R c Mohamed, 2014 ONCA 442 (CanLII), 310 CCC (3d) 123, par Rouleau JA (3:0), au para 16

Agression provoquée : art. 35

  1. l'accusé a agressé une personne
  2. l'accusé n'a pas agressé avec l'intention de causer la mort ou des lésions corporelles graves ou n'a pas provoqué l'agression
  3. l'accusé a fait usage de la force lorsque :
    1. il avait des motifs raisonnables de craindre la mort ou des lésions corporelles graves de la part de la personne agressée et
    2. l'accusé avait des motifs raisonnables de croire que l'agression était nécessaire pour se soustraire à la mort ou à des lésions corporelles graves.
  4. l'accusé, à tout moment avant la nécessité de se soustraire à la mort, n'a pas tenté de causer la mort ou des lésions corporelles graves ;
  5. l'accusé a évité le conflit autant que possible avant que la nécessité ne survienne.

Prévention des voies de fait : art. 37

Il incombe à la Couronne de réfuter au moins un des éléments de la défense hors de tout doute raisonnable :[1]

  1. la force avait pour but de prévenir une agression contre soi-même ou contre une personne sous sa protection.[2]
  2. pas plus de force que nécessaire pour empêcher l'agression ou sa répétition, compte tenu de la nature de l'agression à empêcher[3]
  3. la force était proportionnée au danger menaçant.[4]
  1. R c McIntosh, 1995 CanLII 124 (CSC), 95 CCC (3d) 481, per juge en chef Lamer
    R c Grandin, 2001 BCCA 340 (CanLII), 154 CCC (3d) 408, par juge Finch (3:0), au para 36
  2. R c Shannon, 1981 CanLII 332 (BC CA), 59 CCC (2d) 229, par Juge MacDonald
    R c Thomas, 2002 BCCA 612 (CanLII), 170 CCC (3d) 81, par Juge Rowles (3:0)
  3. R c McIntosh, 1995 CanLII 124 (CSC), 95 CCC (3d) 481, per Juge en chef Lamer à la p. 44
  4. , ibid. à la p. 44

Application

Non provoqué : art. 34(1)

L’article 34(1) du Code criminel justifie le recours à la force pour repousser l’accusé si la force employée n’avait pas pour but de causer la mort ou des lésions corporelles graves et n’était pas plus que nécessaire pour lui permettre de se défendre. Il incombe à la Couronne de prouver hors de tout doute raisonnable que l’accusé ne peut se défendre en vertu de l’art. 34. [1]

Toute provocation élimine le recours à cette défense.[2]

Le fait que l’accusé ne se retire pas d’une confrontation ne l’empêche pas de se fonder sur l’art. 34.[3] De même, il n’est pas nécessaire qu’un accusé soit réduit à un état de frénésie [4] et l’accusé n’a pas besoin de se fier à une réflexion détachée sur ses options lorsque les circonstances ne le permettent pas.[5]

Il n’est pas nécessaire qu’une agression se produise réellement. L’accusé doit simplement avoir des motifs raisonnables de croire qu’il est sur le point d’être agressé illégalement.[6]

  1. R c Latour, 1950 CanLII 12, [1951] RCS 19, par Fauteux J
    R c Nadeau, 1984 CanLII 28 (CSC), [1984] 2 RCS 570, per Lamer J
    R c Westhaver, 1992 CanLII 2545 (NSCA), [1992] NSJ 511 (NSCA), per Freeman JA
  2. R c Nelson, 1992 CanLII 2782 (ON CA), 71 CCC (3d) 449, par Morden ACJ (« La légitime défense n’est pas possible lorsque l’accusé provoque l’attaque »)
  3. R c Deegan, 1979 ABCA 198 (CanLII), 17 AR 187, per Harradence JA
    R c Westhaver, 1992 CanLII 2545 (NSCA), 119 NSR (2d) 171, per Freeman JA (3:0) , au para 8
  4. R c Antley, 1963 CanLII 258 (ON CA), 2 CCC 142, par Roach JA (2:1)
  5. R c Kandola, 1993 CanLII 774 (BC C.A.), 80 CCC (3d) 481, par Wood JA (3:0)
  6. R c Kong, 2005 ABCA 255 (CanLII), 200 CCC (3d) 19, per Fraser JA (2:1), au para 186 conf’d 2006 CSC 40 (CanLII), par Bastarache J

Aucune intention de causer des lésions corporelles

Lorsque la preuve soulève la question de savoir si l’accusé avait l’intention de causer des lésions corporelles, « le juge doit donner des directives au jury sur les deux points suivants : 34(1) et (2)[1]

  1. R c Scotney, 2011 ONCA 251 (CanLII), 277 CCC (3d) 186, par Feldman JA (3:0)

Lorsque l'agression est provoquée : art. 34(2)

L'article 34(2) est applicable, que l'agression ait été provoquée ou non.[1]

La défense est applicable même lorsqu'il y avait une intention de causer des blessures par blessure ou par violence familiale ou décès.[2]

Il n'est pas nécessaire que la force employée soit supérieure à celle nécessaire pour se défendre contre l'agression.[3]

Bien que cela ne soit pas explicitement mentionné dans l'art. 34(2)(a), une exigence supplémentaire selon laquelle l'accusé doit avoir appréhendé un danger imminent au moment de l'agression a été ajoutée à la défense.[4]

Tous les éléments de cette défense exigent que le jury détermine les perceptions de l'accusé à ce moment-là et si ces perceptions étaient raisonnables.[5]

  1. R c McIntosh, 1995 CanLII 124 (CSC), [1995] 1 RCS 686, per Juge en chef Lamer (5:4), au para 42
  2. R c Tromblley, 1998 CanLII 7128 (ON CA), 126 CCC (3d) 495, par Carthy JA (2:1) conf'd 1999 CanLII 681 (CSC), [1999] 1 RCS 757, per juge en chef Lamer
  3. R c Siu, 1992 CanLII 1014 (BCCA), 71 CCC (3d) 197 at 209 (BCCA), par curiam (3:0)
    R c Pintar, 1996 CanLII 712 (ON CA), 110 CCC (3d) 402, par Moldaver JA (3:0)
  4. voir R c Reilly, 1984 CanLII 83 (CSC), 15 CCC (3d) 1, per Ritchie J (6:0)
    R c Baxter, 1975 CanLII 1510 (ON CA), 33 CRNS 22, 27 CCC (2d) 96, par Martin JA
    R c Bogue, 1976 CanLII 871 (ON CA), 13 OR (2d) 272, 30 CCC (2d) 403, 70 DLR (3d) 603, par Howland CJ
  5. Petel, supra

Retraite

Une personne n'est pas obligée de quitter son domicile.[1]

  1. R c Forde, 2011 ONCA 592 (CanLII), 277 CCC (3d) 1, par LaForme JA (3:0)
    R c Docherty, 2012 ONCA 784 (CanLII), 292 CCC (3d) 465, par Sharpe JA

Proportionnalité

L'accusé qui se défend contre une attaque raisonnablement appréhendée doit peser sa réponse « avec précision » lorsqu'il est confronté à une agression non provoquée en vertu du paragraphe 34 (1) ou (2). [1] dans un procès devant jury, les directives sur cette question sont connues sous le nom de « directives Baxter ».[2]

Le défaut de donner des directives Baxter constitue une erreur de droit.[3]

  1. R c Onigbinde, 2010 ONCA 56 (CanLII), 251 CCC (3d) 15, par Armstrong JA
  2. R c Scotney, 2011 ONCA 251 (CanLII), 277 CCC (3d) 186, par Feldman JA (3:0)
  3. Scotney, supra, au para 33

Prévention : art. 35

L'article 35 exige le recours à la force (a) dans une crainte raisonnable de mort ou de lésions corporelles graves résultant de la violence de la personne qu'il a agressée ou provoquée, et (b) dans la croyance, pour des motifs raisonnables, que cela est nécessaire pour se préserver de la mort ou de lésions corporelles graves et (c) doit avoir « refusé tout autre conflit et l'avoir quitté ou s'en être retiré autant qu'il était possible de le faire avant que la nécessité de se préserver de la mort ou de lésions corporelles graves ne survienne. » [1]

L'article 35 n'exige pas que l'accusé réponde à une agression « illégale ».[2]

  1. R c Mohamed, 2014 ONCA 442 (CanLII), 310 CCC (3d) 123, par Rouleau JA (3:0), au para 50
  2. , ibid., aux paras 39 à 45 - fait la distinction entre « agression » et « agression illégale »

Prévention : art. 37

Toute personne peut recourir à la force pour se défendre ou pour défendre une personne qu'elle protège.

Ce droit ne s'étend pas aux représailles lorsque la survie de l'accusé n'est pas en péril.[1]

  1. R c Brisson, 1982 CanLII 196 (CSC), [1982] 2 RCS 227

Lésions corporelles graves

Les lésions corporelles graves (LCG) sont « permanentes ou dangereuses; si elles sont de nature à nuire gravement au confort ou à la santé, elles sont suffisantes »[1]

Les blessures sexuelles graves peuvent inclure les agressions sexuelles.[2]

  1. R c Martineau, 1988 ABCA 274 (CanLII), [1988] AJ No 716, per Laycraft JA confirmé dans 1990 CanLII 80 (CSC), [1990] 2 RCS 633, per juge en chef Lamer, aux paras 52, 53 citant R c Bottrell, 1981 CanLII 352 (BC CA), 62 CCC (2d) 45, par juge Anderson (2:1) et autres
  2. R c XJ, 2012 ABCA 69 (CanLII), 524 AR 123, par curiam (3:0), au para 11

Proportionnalité : « Pas plus que ce qui est raisonnablement nécessaire »

Les mots « pas plus de force que ce qui est raisonnablement nécessaire » « nécessaire » peut être assimilé à l’exigence que la force soit « raisonnable dans toutes les circonstances » [1] La force qui est « clairement disproportionnée à ce qui était requis dans les circonstances » doit être rejetée.[2]

La proportionnalité comporte deux aspects. La force doit être considérée comme raisonnable compte tenu de toutes les circonstances, y compris la croyance subjective de l'accusé quant à la nature du préjudice ou du danger, mais la composante objective de la défense est également requise.[3]

La gravité d'une blessure ne signifie pas nécessairement que la force utilisée était excessive.[4]

La proportionnalité doit être considérée à la lumière de la « le feu de l'action » où l'accusé est « rempli d'un mélange d'adrénaline et de peur » de telle sorte qu'on ne s'attend pas à ce qu'il réagisse toujours à la fois rapidement et « parfaitement mesuré à la nature du risque de danger posé ».[5]

  1. R c Gunning, 2005 CSC 27 (CanLII), [2005] 1 RCS 627, per Charron J (9:0), au para 25
  2. R c McKay, 2009 MBCA 53 (CanLII), par Chartier JA (3:0) - en relation avec 41(1)
  3. R c Szcerbaniwicz, 2010 CSC 15 (CanLII), [2010] 1 RCS 455, par La juge Abella (5:2), aux paras 20 et 21
    R c Philpott, 2011 NLTD 6 (CanLII), par LeBlanc J à 42
    R c Baxter, 1975 CanLII 1510 (ON CA), [1975] 27 CCC (2d) 96, par Martin JA, au p. 111
  4. R c Marky, 1976 ALTASCAD 125 (CanLII), 6 WWR 390, per McGillivray JA
  5. R c Heydari, 2014 ONSC 2350 (CanLII), par Campbell J, au para 6
    Voir également R c Antley, 1963 CanLII 258 (ON CA), 1 OR 545 (CA), par Roach JA (2:1), aux pp. 549-550
    Baxter, supra, au p. 111
    R c Hebert, 1996 CanLII 202 (CSC), [1996] 2 RCS 272, per Cory J (5:0), au p. 281

Voir également