Évaluer le témoignage de l'accusé

De Le carnet de droit pénal
Cette page a été mise à jour ou révisée de manière substantielle pour la dernière fois December 2021. (Rev. # 13745)

Principes généraux

Lorsqu'un accusé témoigne et que sa crédibilité est en jeu, le juge du procès doit appliquer ce qu'on appelle le « test WD » pour déterminer le poids à accorder à son témoignage.[1]

Objectif du cadre W(D)

Le cadre W(D) vise à expliquer « ce que signifie le doute raisonnable dans le contexte de témoignages contradictoires ».[2] Le test W(D) vise à « garantir que le jury sache comment appliquer la charge de la preuve à la question de la crédibilité. Le jury doit être averti qu'un procès n'est pas une compétition de crédibilité entre témoins et qu'il n'est pas obligé d'accepter la preuve de la défense dans son intégralité pour prononcer l'acquittement. » [3]

Le but du test n'est pas de « se fonder sur un choix entre la preuve de l'accusé et celle de la Couronne, mais de déterminer si, compte tenu de l'ensemble de la preuve, [le juge des faits] est laissé avec un doute raisonnable ».[4]

Quand le test W(D) s'applique

L'analyse W(D) n'est nécessaire que lorsque la crédibilité est une question centrale ou importante, généralement entre l'accusé et un plaignant ou un témoin oculaire, et souvent lorsqu'il n'y a pas de preuve extrinsèque significative.[5]

Règle contre le déplacement du fardeau de la preuve

Le juge des faits ne devrait jamais déplacer le fardeau de la preuve « de la Couronne de prouver chaque élément de l'infraction hors de tout doute raisonnable ».[6]

  1. R c W(D), 1991 CanLII 93 (SCC), [1991] 1 SCR 742, per Cory J (4:1)
  2. R c JHS, 2008 SCC 30 (CanLII), [2008] 2 SCR 152, par Binnie J (7:0), au para 9
  3. R c Van, 2009 SCC 22 (CanLII), [2009] 1 SCR 716, per LeBel J (5:4), au para 23
    W(D), supra, au p. 757
  4. R c CLY, 2008 SCC 2 (CanLII), [2008] 1 SCR 5, par Abella J (4:3), au para 8
  5. R c Daley, 2007 SCC 53 (CanLII), [2007] 3 SCR 523, par Bastarache J
    R c Smith, 2018 ABQB 199 (CanLII), per Goss J, au para 49
  6. JHS, supra, au para 13

Suffisance de l'analyse

Voir également: Suffisance des motifs

Un juge n'a pas besoin d'examiner tous les éléments de preuve de l'accusé sur un point donné. Il doit seulement montrer qu'il a reconnu que la crédibilité était une question en litige et « s'est attaqué au fond de la question en litige ».[1]

Ils n'ont pas besoin de « résumer des conclusions spécifiques sur la crédibilité » en faisant des déclarations sur la crédibilité globale.[2]

Il n'est pas nécessaire que le juge concilie les conclusions positives d'un témoin avec les conclusions négatives d'un témoin contradictoire.[3]

Les questions W(D) ne sont pas censées être traitées avec un « niveau de sainteté ou de perfection immuable ».[4]

  1. R c REM, 2008 SCC 51 (CanLII), [2008] 3 SCR 3, par McLachlin CJ, au para 64
  2. , ibid., au para 64
  3. , ibid., au para 65
  4. R c JHS, 2008 SCC 30 (CanLII), [2008] 2 SCR 152, par Binnie J

Application

Lorsque l'accusé et le plaignant donnent des témoignages contradictoires, le juge doit appliquer le critère de l'affaire R c. (W)D.[1]

Le test de W(D) ne s'appliquera principalement qu'aux cas où l'accusé témoigne.[2] Cependant, les principes de DW s'appliqueront dans tous les cas où une question cruciale porte sur la crédibilité.[3]

Les étapes de W(D) s'appliquent non seulement au témoignage de l'accusé, mais également à toute autre preuve disculpatoire qui émerge au cours d'un procès et qui se rapporte à une « question vitale ».[4]

Dans le contexte d'un voir dire, les principes de D.W. ne s'appliquent pas.[5] La culpabilité ou l'innocence n'est pas en cause et la norme de preuve est celle du doute raisonnable. Ainsi, un accusé sera considéré de la même manière que tout autre témoin. Ainsi, si la version de l'accusé est en conflit avec celle d'un policier, par exemple, le tribunal doit déterminer qui dit la vérité. Si le tribunal ne peut pas décider qui dit la vérité, le demandeur doit échouer.

Lorsque l'accusé et un autre témoin témoignent pour la défense, le test W(D) s'applique différemment.[6]

Le rejet d’une preuve ne constitue pas une preuve de culpabilité

Un juge de première instance ne peut pas déduire la culpabilité de l’accusé du fait que le témoignage de l’accusé n’est pas digne de foi. Cette inférence n'est permise que s'il existe une preuve indépendante de fabrication ou de concoction.[7]

  1. R c W(D), 1991 CanLII 93 (SCC), [1991] 1 SCR 742, per Cory J
    R c Fowler, 1993 CanLII 1907 (BC CA), par Toy JA
    R c CLY, 2008 SCC 2 (CanLII), [2008] 1 SCR 5, par Abella J (4:3)
    R c McKenzie (P.N.), 1996 CanLII 4976 (SK CA), 141 Sask R 221 (Sask CA), par Tallis JA, au para 4
    R c Rose (A.), 1992 CanLII 987 (BCCA), 20 BCAC 7 (BCCA), par curiam
    R c Currie, 2008 ABCA 374 (CanLII), 446 AR 41, per Côté JA (3:0)
    R c BGS, 2010 SKCA 24 (CanLII), 346 Sask R 150, par Ottenbreit JA (3:0)
  2. R c Warren, 2011 CanLII 80607 (NL PC), par Gorman J à la p. 24
  3. R c FEE, 2011 ONCA 783 (CanLII), 282 CCC (3d) 552, par Watt JA (3:0), au para 104
  4. R c BD, 2011 ONCA 51 (CanLII), 266 CCC (3d) 197, par Blair JA (3:0), aux paras 113 to 114
    R c Cyr, 2012 ONCA 919 (CanLII), 294 CCC (3d) 421, par Watt JA (3:0), au para 50
    R c Ryon, 2019 ABCA 36 (CanLII), 371 CCC (3d) 225, per Martin JA
    R c PO, 2021 ABQB 318 (CanLII), per Mandziuk J, au para 197
  5. Voir R c Kocovic, 2004 ABPC 190 (CanLII), 25 CR (6th) 265, par Semenuk J
  6. see R c Van, 2009 SCC 22 (CanLII), [2009] 1 SCR 716, per LeBel J (5:4), aux paras 20 to 23
  7. R c MacIsaac, 2017 ONCA 172 (CanLII), 347 CCC (3d) 37, par Trotter JA (3:0)
    R c St Pierre, 2017 ONCA 241 (CanLII), par curiam (3:0)
    R c Turcotte, 2018 SKCA 16 (CanLII), par Schwann JA, au para 14

Le test « W(D) »

L'analyse appropriée du témoignage vise à garantir que Les juges ne se livrent pas à une quelconque évaluation des versions concurrentes des événements en l’absence de prise en compte de la présomption d’innocence ou du doute raisonnable.[1]

Objectif du test W(D)

L’objectif du test W(D) est de s’assurer que les juges des faits « comprennent que le verdict ne doit pas être fondé sur un choix entre la preuve de l’accusé et celle de la Couronne, mais sur la question de savoir si, compte tenu de l’ensemble de la preuve, ils ont un doute raisonnable quant à la culpabilité de l’accusé ».[2] Elle vise également à préciser que la charge de la preuve de chaque élément de l'infraction ne se déplace jamais de la Couronne.[3]

Formulations du test W(D)

Lorsque la défense appelle l'accusé à témoigner contre la preuve de la Couronne, le juge des faits doit déterminer :[4]

  1. Si vous croyez le témoignage de l'accusé, vous devez évidemment l'acquitter.
  2. Si vous ne croyez pas le témoignage de l'accusé mais que celui-ci vous laisse dans un doute raisonnable, vous devez l'acquitter.
  3. Même si le témoignage de l'accusé ne vous laisse pas dans un doute raisonnable, vous devez vous demander si, sur la base des preuves que vous acceptez, vous êtes convaincu au-delà de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé.

Une formulation plus récente en quatre étapes suggère ce qui suit :[5]

  1. si vous croyez le témoignage de l'accusé, vous devez évidemment l'acquitter ;
  2. si vous ne savez pas si vous devez croire l'accusé ou un témoin concurrent, vous devez l'acquitter ;
  3. si vous ne croyez pas le témoignage de l'accusé mais que celui-ci vous laisse dans un doute raisonnable, vous devez l'acquitter ; et
  4. même si le témoignage de l'accusé ne vous laisse pas dans le doute, c'est-à-dire que son témoignage est rejeté, vous devez vous demander si, sur la base des preuves que vous acceptez, vous êtes convaincu au-delà de tout doute raisonnable de la culpabilité de l'accusé.

Une autre version du test était formulée comme suit :[6]

  1. Si vous acceptez comme preuve exacte une preuve qui ne peut pas coexister avec une déclaration de culpabilité de l'accusé, vous devez évidemment l'acquitter ;
  2. Si vous n'êtes pas sûr que des preuves qui ne peuvent pas coexister avec une déclaration de culpabilité de l'accusé sont exactes, alors vous ne les avez pas entièrement rejetées et vous devez l'acquitter ;
  3. Vous ne devez pas considérer le simple fait de ne pas croire aux preuves présentées par l'accusé pour démontrer son innocence comme une preuve de sa culpabilité ; et
  4. Même lorsque des preuves incompatibles avec la culpabilité de l'accusé sont rejetées dans leur intégralité, l'accusé ne doit pas être condamné à moins que les preuves auxquelles on accorde du crédit ne prouvent sa culpabilité au-delà de tout doute raisonnable.

Application du test W(D) L'ordre des étapes n'est pas significatif, mais les étapes doivent toutes être appliquées séparément.[7]

Il est erroné de « peser » une histoire par rapport à l'autre lorsqu'on examine des preuves contradictoires de crédibilité.[8] Le juge des faits ne peut pas « préférer » une histoire à une autre ou déterminer qui est « le plus » crédible. Il faut éviter l’approche « soit/ou », qui consiste à préférer l’une à l’autre.[9] Préférer un témoignage à un autre a pour effet de renverser la charge de la preuve sur l'accusé.[10]

Rien n’empêche un juge de croire à la fois le plaignant et l’accusé, même s’ils ont donné des témoignages divergents ou contradictoires[11]

La véritable question n’est pas de savoir qui dit la vérité, mais plutôt de savoir si, compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve, la Couronne a prouvé la véracité des faits au-delà de tout doute raisonnable.[12]

Norme de contrôle en appel

Toute erreur dans l'application du test W(D) doit être examinée comme une question de droit selon la norme de l'exactitude.[13]

En examinant les motifs donnés dans l'analyse W(D), le juge d'appel ne doit pas « sélectionner » certaines parties des motifs, mais plutôt les considérer dans leur ensemble.[14]

Mauvaise formulation du test

Le simple fait de ne pas utiliser les termes exacts du test W(D) devant un juge ou un jury n'est pas fatal.[15] De même, une récitation exacte ne protège pas la décision contre une révision lorsque les principes ont été mal appliqués.[16]

Reformulation proposée

En Alberta, le test de crédibilité a été réécrit et comprend plusieurs étapes.[17] À la première étape, il convient de préciser que :[18]

  1. la directive [crédibilité] s’applique uniquement aux éléments de preuve disculpatoires, c’est-à-dire aux éléments de preuve qui annulent un élément de l’infraction ou établissent une défense (autre qu’une défense de charge inversée) ;
  2. elle s’applique aux éléments de preuve disculpatoires, qu’ils soient présentés par la Couronne ou par l’accusé.

À la deuxième étape, l’analyse devrait se dérouler comme suit :[19]

  1. Le fardeau de la preuve incombe à la Couronne, qui doit établir la culpabilité de l’accusé hors de tout doute raisonnable. Ce fardeau lui incombe de sorte que l’accusé n’est jamais tenu de prouver son innocence ou de réfuter les éléments de preuve présentés par la Couronne. (Sous réserve que cela ne s’applique pas aux défenses, comme celles prévues à l’art. 16 du Code criminel, où le fardeau de la preuve incombe à celui qui propose la défense.)
  2. Dans ce contexte, si le jury croit la preuve de l’accusé niant sa culpabilité (ou toute autre preuve disculpatoire à cet effet), ou s’il n’est pas sûr de pouvoir accepter la version des faits de la Couronne, il doit prononcer l’acquittement. (Sous réserve de défenses comportant des éléments supplémentaires, comme un élément objectif…).
  3. Bien que le jury doive tenter de résoudre les éléments de preuve contradictoires qui portent sur la culpabilité ou l’innocence de l’accusé, un procès n’est pas un concours de crédibilité qui l’oblige à décider si l’une des versions contradictoires est vraie. Si, après un examen attentif de tous les éléments de preuve, le jury n’est pas en mesure de décider qui croire, il doit prononcer l’acquittement.
  1. Même si le jury rejette complètement le témoignage de l’accusé (ou, le cas échéant, d’autres éléments de preuve disculpatoires), il ne peut pas simplement présumer que la version des faits de la Couronne doit être vraie. Il doit plutôt évaluer soigneusement les éléments de preuve auxquels il croit et décider si ces éléments le persuadent hors de tout doute raisonnable que l’accusé est coupable. Le simple rejet du témoignage de l’accusé (ou, le cas échéant, d’autres éléments de preuve disculpatoires) ne peut être considéré comme une preuve de la culpabilité de l’accusé.

Enfin, il faut comprendre que lorsqu'il y a plusieurs accusations, il faut comprendre que « le doute raisonnable à l'égard d'une infraction ne donnera pas nécessairement droit à l'accusé d'être acquitté de toutes les accusations. »[20]

  1. R c Newman, 2018 ABPC 143 (CanLII), par Pharo J, au para 18
  2. R c CLY, 2008 SCC 2 (CanLII), [2008] 1 SCR 5, par Abella J (4:3), au para 8
    JHS, supra, au para 9 (to “explain what reasonable doubt means in the context of evaluating conflicting testimonial accounts”)
  3. JHS, supra, au para 13
  4. R c W(D), 1991 CanLII 93 (SCC), [1991] 1 SCR 742, per Cory J
    R c PNM, 1996 CanLII 4976 (SK CA), 106 CCC (3d) 1, par Tallis JA - frames it as a four step inquiry
    R c Minuskin, 2003 CanLII 11604 (ON CA), 181 CCC (3d) 542, par Rosenberg JA, au p. 550 R c BD, 2011 ONCA 51 (CanLII), 266 CCC (3d) 197, par Blair JA, aux paras 102 to 114
    R c Turmel, 2004 BCCA 555 (CanLII), [2004] BCJ No. 2265 (CA), par Newbury JA, aux paras 9 to 17
    R c Gray, 2012 ABCA 51 (CanLII), 285 CCC (3d) 539, per Martin JA (3:0), au para 42
    R c Vuradin, 2013 SCC 38 (CanLII), [2013] 2 SCR 639, per Karakatsanis J (5:0), au para 21
    R c Tyers, 2015 BCCA 507 (CanLII), 381 BCAC 46, par Stromberg-Stein JA (3:0), aux paras 12, 15
    R c Mann, 2010 BCCA 569 (CanLII), 297 BCAC 234, par Chiasson JA, au para 31
    R c Gauthier, 2022 ABCA 121 (CanLII), par curiam, au para 30
  5. R c PDB, 2014 NBQB 213 (CanLII), par Ferguson J, au para 67 - this is taking into account the additional formulation from JHS, supra
    R c NM, 2019 NSCA 4 (CanLII), 370 CCC (3d) 143, per Bourgeois JA, au para 23
    R c Wheyee, 2019 ABQB 548 (CanLII), per Horner J, au para 72
  6. David Paciocco, "Doubt about Doubt: Coping with R. v W.(D.) and Credibility Assessment", (2017) 22 Can. Crim. L. Rev. 31 at para 72
  7. R c JHS, 2007 NSCA 12 (CanLII), 217 CCC (3d) 52, per Saunders JA - en appel à la CSC
  8. R c BGS, 2010 SKCA 24 (CanLII), 346 Sask R 150, par Ottenbreit JA (3:0), au para 9
  9. R c Challice, 1979 CanLII 2969 (ON CA), 45 CCC (2d) 546 (Ont CA), par Morden JA
    R c Morin, 1988 CanLII 8 (SCC), [1988] 2 SCR 345, par Sopinka J
    R c Chan, 1989 ABCA 284 (CanLII), 52 CCC (3d) 184, par curiam
    R c Jaura, 2006 ONCJ 385 (CanLII), [2006] OJ No 4157, par Duncan J, aux paras 12, 13
  10. R c Abdirashid, 2012 ABPC 22 (CanLII), [2012] A.J. No 131, par Bascom J, au para 6
  11. R c Nadeau, 1984 CanLII 28 (SCC), [1984] 2 SCR 570, per Lamer J
  12. Canadian Criminal Evidence, Second Edition, by P.R. McWilliams, Q.C., at page 652
    R c Nykiforuk, 1946 CanLII 202 (SK CA), 86 CCC 151, par MacKenzie JA
  13. R c JAH, 2012 NSCA 121 (CanLII), NSJ No 644, per Bryson JA, au para 7
    R c NM, 2019 NSCA 4 (CanLII), 370 CCC (3d) 143, per Bourgeois JA, au para 25
    R c Coburn, 2021 NSCA 1 (CanLII) (hyperliens fonctionnels en attente), per Wood JA, au para 27
  14. , ibid., au para 25
  15. W(D), supra, au p. 758 [SCR]
    JHS, supra, au para 14
    R c Vuradin, 2013 SCC 38 (CanLII), [2013] 2 SCR 639, per Karakatsanis J (5:0), au para 26
  16. R c JP, 2014 NSCA 29 (CanLII), 342 NSR (2d) 324, per Beveridge JA, aux paras 62 à 64, 73, 85
  17. R c Ryon, 2019 ABCA 36 (CanLII), 371 CCC (3d) 225, per Martin JA (3:0)
  18. , ibid., au para 49
  19. , ibid., au para 51
  20. , ibid., au para 52

Examen de la preuve dans son ensemble

Les étapes de W(D) ne sont pas considérées comme des compartiments « étanches ». L'analyse à chaque étape doit tenir compte de la preuve dans son ensemble.[1] Il est essentiel que le tribunal n'examine pas la preuve d'un témoin dans le vide, mais plutôt par rapport à l'ensemble de la preuve présentée « dans son ensemble ». [2]


Les deux premières étapes du test W(D) nécessitent de « soupeser la preuve de l’accusé avec la preuve contradictoire de la Couronne ».[3]

  1. R c Berg, 2016 SKPC 55 (CanLII), par Kovatch J - commentaire de Kovatch PCJ
  2. R c Lake, 2005 NSCA 162 (CanLII), NSJ No. 506, per Fichaud JA (3:0)
    R c Newman, 2018 ABPC 143 (CanLII), par Pharo J, au para 18 ("Although the phrase “in context of the evidence as a whole” is not repeated in the first step of the formula instructions, it should be read into those instructions.")
  3. R c Humphrey, 2011 ONSC 3024 (CanLII), [2011] O.J. No. 2412 (Sup. Ct.), par Code J, au para 152
    see also R c Newton, 2006 CanLII 7733 (ON CA), par curiam (3:0), au para 5
    R c Hull, 2006 CanLII 26572 (ON CA), 70 WCB (2d) 274, par curiam (3:0), au para 5
    R c Snider, 2006 ONCJ 65 (CanLII), [2006] O.J. 879, par MacDonnell J, au para 37
    R c Hoohing, 2007 ONCA 577 (CanLII), 74 WCB (2d) 676, par Feldman JA, au para 15

Première étape : faut-il rejeter le témoignage de l'accusé

Le témoignage de l'accusé doit être le premier élément à être pris en considération.[1]

Le témoignage de l'accusé peut être rejeté sur la base de :[2]

  • allégations invraisemblables :
    • déclarations concluantes sans fondement ;
    • observations, souvenirs et souvenirs incohérents ou invraisemblables ;
  • incohérence interne ;
  • contredites par d'autres éléments de preuve fiables ;
  • artificielles :
    • conçues pour réfuter les allégations du plaignant ;
    • démontrent un effort pour éviter la culpabilité.
Obligation de motiver sa décision

Il est nécessaire que dans toute affaire qui porte sur la crédibilité de l'accusé, les motifs du juge « divulguent si elle croit ou non l'accusé ».[3]

Toutefois, lorsque le juge omet de motiver sa décision et que « la voie vers la condamnation est néanmoins claire », l’omission ne sera pas fatale.[4]

En cas de conflit avec le témoignage du plaignant

Il est essentiel que le juge ne rejette pas le témoignage de l’accusé au motif que le plaignant est cru. Sinon, la défense est complètement neutralisée avant même de témoigner. [5] Le simple rejet du témoignage de l'accusé au motif qu'il entre en conflit avec le témoignage du plaignant qui a été accepté sans explication renverse le fardeau de la preuve de manière inconstitutionnelle.[6]

Certains éléments permettent de penser que « le juge de première instance peut rejeter le témoignage d'un accusé et le déclarer coupable uniquement sur la base de son acceptation du témoignage du plaignant, à condition qu'il évalue également le témoignage du défendeur de manière équitable et qu'il permette la possibilité de laisser planer le doute, malgré son acceptation du témoignage du plaignant preuve."[7]

Il est toutefois certainement permis de rejeter la preuve de l'accusé au motif qu'elle est « empilée à côté » de toutes les autres preuves.[8]

Pour expliquer la raison du rejet de la preuve de l'accusé, il peut suffire de la justifier sur la base de l'acceptation raisonnée, au-delà de tout doute raisonnable, d'un fait qui entre en conflit avec la preuve rejetée. [9] Cela signifie que la preuve de l'accusé peut être rejetée au seul motif qu'elle entre en conflit avec d'autres preuves acceptées hors de tout doute raisonnable. [10]

La mise en doute de la crédibilité de l'accusé est une forme autorisée de comportement postérieur à l'infraction.[11]

Rejet en l'absence de défaut évident dans le témoignage disculpatoire

Un juge des faits peut rejeter le témoignage de l'accusé même s'il n'y a pas de défauts évidents dans le témoignage lorsque la Couronne monte une poursuite solide.[12] Lorsque le juge fait une « acceptation réfléchie et raisonnée » de la preuve contradictoire avec celle de l'accusé, il suffit de rejeter la preuve de la défense, par ailleurs irréprochable.[13]

L'accusé n'a pas droit à un acquittement simplement parce que son témoignage ne présentait aucun problème ou défaut évident.[14] Même si la dénégation de l'accusé ne comporte aucun défaut, le juge du procès peut toujours rejeter la preuve lorsqu'il considère le contexte de la preuve dans son ensemble.[15]

Accès de l'accusé à la divulgation

Il est inadmissible d'utiliser le fait que l'accusé a eu accès à sa divulgation comme motif pour écarter son témoignage.[16]

Effet du rejet de la preuve

Le rejet de la preuve de l'accusé ne constitue pas une preuve en faveur de la Couronne.[17]

Les observations d'un juge de première instance selon lesquelles le témoignage de l'accusé était « intéressé » peuvent donner l'impression que le juge soupçonne que le témoignage de l'accusé était intrinsèquement peu fiable puisqu'il aurait été avantageux pour lui de déformer les événements afin de s'acquitter.[18] Le fait de ne pas croire l'accusé en raison de son propre intérêt à être acquitté constitue une erreur réversible.[19]

Le fait de ne pas croire le témoignage de l'accusé ne peut pas être utilisé comme « preuve positive de culpabilité en passant directement de l'incrédulité à une déclaration de culpabilité ».[20]

Il est erroné de conclure à la culpabilité simplement du fait que le témoignage de l'accusé n'a pas été ajouté foi.[21]

L'accusé n'a pas le fardeau d'expliquer les allégations

Il n'est pas permis de rejeter le témoignage de l'accusé parce que ce dernier n'a pas été en mesure d'expliquer pourquoi l'accusateur aurait formulé des allégations contre lui.[22]

Application de l'expérience personnelle

Le juge ne peut pas appliquer sa propre expérience personnelle « spécifique », comme une forme de connaissance judiciaire, pour rendre des décisions sur la crédibilité de l'accusé.[23]

  1. R c CLY, 2008 SCC 2 (CanLII), [2008] 1 SCR 5, par Abella J (4:3)
  2. p. ex. R c Burton, 2017 NSSC 57 (CanLII), par Arnold J, au para 216
  3. R c Lake, 2005 NSCA 162 (CanLII), 203 CCC (3d) 316, per Fichaud JA (3:0), au para 14 - however an implied conclusion is sufficient, see para 17
    R c Maharaj, 2004 CanLII 39045 (ON CA), 186 CCC (3d) 247, par Laskin JA (3:0)
  4. R c Stamp, 2007 ABCA 140 (CanLII), 219 CCC (3d) 471, per Berger JA, au para 25
    R c CJJ, 2018 ABCA 7 (CanLII), 358 CCC (3d) 163, par curiam, au para 35
  5. Lake, supra, au para 21
  6. R c YM, 2004 CanLII 39045 (ON CA), 186 CCC (3d) 247, par Laskin JA (3:0), au para 30
  7. R c Surana, 2013 ABPC 164 (CanLII), par Allen J, au para 78
  8. R c TS, 2012 ONCA 289 (CanLII), 284 CCC (3d) 394, par Watt JA, au para 79 ("…as a matter of law, reasoned acceptance of a complainant’s evidence is a basis upon which a trial judge can reject the evidence of an accused and find guilt proven beyond a reasonable doubt. A reasoned and considered acceptance of the complainant evidence is as much as explanation for rejecting the contrary evidence of an accused as are problems inherent in an accused’s own testimony.")
  9. R c JJRD, 2006 CanLII 40088 (ON CA), 215 CCC (3d) 252, par Doherty JA, au para 53 ("An outright rejection of an accused’s evidence based on a considered and reasoned acceptance beyond a reasonable doubt of the truth of conflicting evidence is as much an explanation for the rejection of an accused’s evidence as is a rejection based on a problem identified with the way the accused testified or the substance of the accused’s evidence.")
  10. R c DP, 2017 ONCA 263 (CanLII), par curiam (3:0), aux paras 23 à 25
  11. R c Jaw, 2009 SCC 42 (CanLII), [2009] 3 SCR 26, per LeBel J (7:2), au para 39
    R c White, 1998 CanLII 789 (SCC), [1998] 2 SCR 72, par Major J (7:0), au para 26
  12. R c CL, 2020 ONCA 258 (CanLII), OJ No 1669, par Paciocco JA, au para 30 ("In such a case a trier of fact may appropriately find that the incriminating evidence is so compelling that the only appropriate outcome is to reject the exculpatory evidence beyond a reasonable doubt and find guilt beyond a reasonable doubt. There may be exceptional cases where it is appropriate for a trial judge to explain this avenue of conviction to the jury.")
    R c OM, 2014 ONCA 503 (CanLII), 313 CCC (3d) 5, par Cronk JA, au para 40
    R c JJRD, 2006 CanLII 40088 (ON CA), 215 CCC (3d) 252, par Doherty JA, au para 53 ("...The trial judge rejected totally the appellant’s denial because stacked beside A.D.’s evidence and the evidence concerning the diary, the appellant’s evidence, despite the absence of any obvious flaws in it, did not leave the trial judge with a reasonable doubt. An outright rejection of an accused’s evidence based on a considered and reasoned acceptance beyond a reasonable doubt of the truth of conflicting credible evidence is as much an explanation for the rejection of an accused’s evidence as is a rejection based on a problem identified with the way the accused testified or the substance of the accused’s evidence.")
  13. R c MHL, 2021 NSCA 74 (CanLII), per Beaton JA, aux paras 33 à 34
    voir aussi JJRD, supra, au para 53
  14. R c GC, 2021 ONCA 441 (CanLII), au para 15 R c RA, 2017 ONCA 714 (CanLII), au para 55
  15. R c GC, 2021 ONCA 441 (CanLII), au para 13
  16. R c Gordon, 2012 ONCA 533 (CanLII), [2012] O.J. No. 4059 (ONCA), par curiam, au para 6 ("Crown counsel…seemed to invite the jury at one point in his closing to draw an inference against the appellant's credibility because the appellant had the benefit of full disclosure and hearing the Crown's case before testifying. At the outset of his charge to the jury, the trial judge emphatically advised the jury that no such inference could be drawn.")
  17. R c Nedelcu, 2012 SCC 59 (CanLII), [2012] 3 SCR 311, par Moldaver J (6:3) (“rejection of an accused’s testimony does not create evidence for the Crown”)
  18. R c Drescher, 2010 ABQB 94 (CanLII), 488 AR 341, per Lee J, au para 30
    R c Murray, 1997 CanLII 1090 (ON CA), 115 CCC (3d) 225, par Charron JA (3:0)
    R c BG (2000), O.J. No. 1347 (Ont. C.A.)(*pas de liens CanLII)
    R c Masse, 2000 CanLII 5755 (ON CA), O.J. No. 2687 (Ont. C.A.), per curiam
    R c MJ, 2002 CanLII 49364 (ON CA), OJ No 1211 (Ont. CA), par curiam (3:0)
  19. R c LB, 1993 CanLII 8508 (ON CA), 82 CCC (3d) 189, par Arbour JA (3:0)
  20. R c MQ, 2010 ONSC 61 (CanLII), OJ No 378, par Hill J
  21. R c To, 1992 CanLII 913 (BCCA), , 16 B.C.A.C. 223, par McEachern JA (3:0), aux paras 24, 28
    R c Moore, 2005 BCCA 85 (CanLII), par Rowles JA (3:0)
    R c Levy, 1991 CanLII 2726 (ON CA), 62 CCC (3d) 97, par Doherty JA at 101
  22. R c JCH, 2011 NLCA 8 (CanLII), 267 CCC (3d) 166, par Rowe JA (3:0) , au para 18
  23. R c JM, 2021 ONCA 150 (CanLII), par Brown JA, aux paras 49 à 50

Deuxième étape

La deuxième étape de W(D) exige que le juge des faits examine, après avoir décidé de ne pas croire le témoignage de l'accusé, s'il « est laissé dans un doute raisonnable » par le témoignage de l'accusé.[1]

L'importance de cette étape est d'éviter le risque d'une vision binaire de l'analyse de crédibilité, qui serait une erreur de droit.[2] Le juge peut avoir une « acceptation totale, un rejet total ou quelque chose entre les deux ».[3] Cela signifie que lorsqu'il n'y a pas d'« acceptation totale », le juge doit déterminer si une partie quelconque de la preuve de l'accusé crée un doute sur un élément essentiel de l'infraction.

Il est important de se rappeler que cette étape ne demande pas si la preuve est « peut-être vraie ». L'étape consiste uniquement à déterminer si la preuve crée une « possibilité raisonnable d'innocence » ou si la preuve « pourrait raisonnablement être vraie »[4] L'expression « pourrait raisonnablement être vraie » doit être utilisée avec prudence et s'applique principalement aux cas relatifs à la doctrine de la possession récente. Son utilisation présente le risque d'inverser involontairement le fardeau de la preuve.[5]

Cette étape peut également être franchie par un acquittement si le juge « ne peut pas décider si les preuves incompatibles avec la culpabilité sont vraies ».[6]

  1. Voir WD, supra
  2. WD, supra
  3. R c Morin, 1988 CanLII 8 (SCC), [1988] 2 SCR 345, par Sopinka J (6:0), au p. 357 (SCR)
    R c Thatcher, 1987 CanLII 53 (SCC), [1987] 1 SCR 652, per Dickson CJ (7:0)
  4. R c Graham, 2021 BCCA 163 (CanLII), au para 24
    R c Roberts, 1975 CanLII 1394 (BC CA), 24 CCC (2d) 539, par Carrothers JA à la p. 550 (cité avec approbation dans WD)
  5. R c Murray, 2020 BCCA 42 (CanLII) au para. 54
  6. Graham, supra, au para 27

Troisième étape

Le simple rejet par le tribunal de la version de l'accusé ne suffit pas. [1] Le troisième volet du test a pour but de faire comprendre que « le rejet complet du témoignage [de l’accusé] ne signifie pas que sa culpabilité est établie ». [2]

Il est erroné de « se servir de l’incrédulité du témoignage de l’accusé comme preuve positive de culpabilité en passant directement de l’incrédulité à une déclaration de culpabilité »[3]

Il est erroné de droit d'utiliser le fait que l'accusé n'a pas cru au témoignage comme preuve de culpabilité.[4]

  1. R c BCG, 2010 MBCA 88 (CanLII), [2010] MJ No. 290, par Chartier JA (3:0) (“reasonable doubt is not forgotten” simply because a trial judge rejects “the accused’s version of events.”)
    R c Liberatore, 2010 NSCA 82 (CanLII), [2010] NSJ No. 556, per Hamilton JA (3:0), at 15 stated W(D) prevents “a trier of fact from treating the standard of proof as a simple credibility contest”
  2. R c Gray, 2012 ABCA 51 (CanLII), 285 CCC (3d) 539, per Martin JA (3:0), au para 40
  3. R c Dore, 2004 CanLII 32078 (ON CA), 189 CCC (3d) 526, par curiam (3:0), au p. 527
    R c SH, 2001 CanLII 24109 (ON CA), OJ No 118 (CA), par curiam (3:0), aux paras 4 to 6
  4. Dore, supra, au p. 527
    SH, supra, aux paras 4 à 6

« Quatrième » étape

Plusieurs cours d'appel recommandent un élément supplémentaire à la D.W. test après la première étape ordonnant au juge que « Si, après un examen attentif de tous les éléments de preuve, vous ne parvenez pas à décider qui croire, vous devez acquitter. »[1]

Un juge ne peut pas tenir compte des déclarations faites au bord de la route dans l'évaluation de la crédibilité de l'accusé.[2]

  1. R c CWH, 1991 CanLII 3956 , 68 CCC (3d) 146, par Wood JA (3:0)
    R c PNM, 1996 CanLII 4976 (SKCA), 106 CCC (3d) 1, par Tallis JA
  2. R c Huff, [2000] O.J. Non. 3487(*pas de liens CanLII) autorisation d'appel à la CSC refusée [2000] SCCA No 562

Autres considérations

Il a parfois été suggéré que la démarche appropriée devrait être d'examiner la preuve de l'accusé avant d'examiner la preuve du plaignant afin d'éviter de créer un fardeau pour l'accusé.[1] Mais cette approche a fait l'objet de critiques.[2]

Un juge peut rejeter le témoignage de l'accusé au seul motif qu'il contredit les preuves acceptées.[3]

Dénégations générales

Le témoignage d'un accusé qui se contente de nier l'infraction et ne fournit aucun détail supplémentaire ne peut servir de base pour rejeter le témoignage comme indigne de foi.[4]

Il faut également reconnaître qu'une dénégation générale « manquera nécessairement de détails » et doit être considérée dans ce contexte.[5]

  1. R c Moose, 2004 MBCA 176 (CanLII), 190 CCC (3d) 521, par Huband JA (3:0), au para 20
  2. R c DAM2010 NBQB 80(*pas de liens CanLII) , at paras 53 and 56
    R c Schauman, 2006 ONCJ 304 (CanLII), OJ No 3425, par Fairgrieve J, au para 6
    R c CLY, 2008 SCC 2 (CanLII), [2008] 1 SCR 5, par Abella J (4:3)
    R c Currie, 2008 ABCA 374 (CanLII), [2008] AJ No 1212, per Côté JA (3:0)
  3. R c JJRD, 2006 CanLII 40088 (ON CA), 215 CCC (3d) 252, par Doherty JA, au para 53
    R c REM, 2008 SCC 51 (CanLII), [2008] 3 SCR 3, par McLachlin CJ (7:0), au para 66
    R c Thomas, 2012 ONSC 6653 (CanLII), OJ No 5692, par Code J, au para 26
  4. R c Surana, 2013 ABPC 164 (CanLII), par Allen J, au para 71
  5. R c Freamo, 2021 ONCA 223 (CanLII), par curiam, aux paras 9to 10