Test de l'air de réalité

De Le carnet de droit pénal
Cette page a été mise à jour ou révisée de manière substantielle pour la dernière fois May 2020. (Rev. # 14700)

Principes généraux

Avant que le juge des faits puisse considérer une défense de justification ou d'excuse, celle-ci doit avoir une « apparence de vraisemblance ».[1] Si la défense présentée est vraisemblable, il incombe alors à la Couronne de réfuter au moins un des éléments de la défense hors de tout doute raisonnable.[2]

Le critère de vraisemblance consiste à déterminer « s'il existe des éléments de preuve au dossier sur la base desquels un jury correctement instruit et agissant raisonnablement pourrait prononcer l'acquittement.[3]

Objectif

L'objectif du test de la vraisemblance est d'empêcher que des « défenses farfelues » soient présentées au jury, ce qui serait « source de confusion et entraînerait des verdicts déraisonnables ».[4]

Dans le cadre de sa fonction de gardien du procès, le juge doit veiller à ce que le juge des faits « ne se détourne pas des véritables questions en litige dans une affaire en considérant des défenses que la preuve ne peut raisonnablement étayer ».[5]

Le but du test n'est pas de « déterminer si la défense est susceptible, peu probable, assez probable ou très probable de réussir ». Il se contente de demander « si le dossier contient suffisamment de faits pour qu'un jury correctement instruit puisse retenir la défense ».[6]

Nature de la charge qui incombe à l'accusé

Le critère de la réalité crée une charge de preuve, et non une charge de persuasion.[7]

Procès devant jury

Dans le cadre d'un procès devant jury, le test détermine si le juge donnera des instructions au jury pour qu'il prenne en considération les défenses particulières. Le jury ne devrait être informé que des défenses qui sont appuyées par des preuves.[8] Par déduction, un « juge a le devoir positif de ne pas soumettre au jury les défenses qui ne reposent sur aucune preuve ».[9] Il doit y avoir des preuves à l'appui de « chaque » élément de la défense.[10]

Où cela s'applique

Le test s'applique à « toutes » les défenses[11] ainsi qu'à tous les éléments de chaque défense.[12]

Test applicable

Le test exige qu'il y ait « certaines preuves » sur lesquelles « un jury correctement instruit et agissant raisonnablement pourrait fonder un acquittement ».[13]

Évaluation des preuves

Le juge doit considérer la « totalité des preuves » et supposer que les preuves de la défense sont toutes vraies.[14] Le juge ne doit pas tenir compte de la crédibilité, tirer des conclusions de fait, tirer des conclusions ou « peser » les preuves.[15] Il ne devrait pas considérer la probabilité de succès de la défense.[16]

Le juge peut procéder à une évaluation limitée et fondée sur le bon sens des preuves.[17]

Le juge doit déterminer si des déductions seraient nécessaires pour que la défense réussisse et si ces déductions tirées des preuves sont raisonnables.[18]

Lorsque les versions des témoins diffèrent, le juge des faits peut « coller une partie du témoignage du plaignant et une partie du témoignage de l’accusé » pour déterminer s’il y a une apparence de vraisemblance.[19]

Théories incompatibles

Il n'existe aucune règle interdisant de soumettre au jury une théorie de défense alternative qui est en fait incompatible avec la théorie principale de la défense. Le seul critère applicable est de savoir si cette théorie est vraisemblable sur la base des éléments de preuve.[20]

Contrôle en appel

La vraisemblance d'une défense est une question de droit qui peut être contrôlée selon la norme de la décision correcte.[21]

Toutefois, la décision de laisser ou non une défense au jury mérite « une certaine déférence ».[22] Ce conflit apparent entre les normes peut s'avérer difficile.[23] La distinction peut être conciliée en ce sens que les cas de preuve directe ne méritent pas de déférence tandis que ceux impliquant des inférences limitées devraient bénéficier d'une « certaine déférence ».[24]

  1. R c Cinous, 2002 SCC 29 (CanLII), [2002] 2 SCR 3, par McLachlin CJ and Bastarache J, aux paras 53 to 54 and 65
    e.g. comments of Watt J. In R c Tomlinson, 2014 ONCA 158 (CanLII), 307 CCC (3d) 36, par Watt JA (3:0), au para 51
  2. Cinous, supra
  3. Cinous, supra, au para 49 ("The correct approach to the air of reality test is well established. The test is whether there is evidence on the record upon which a properly instructed jury acting reasonably could acquit. ...")
  4. Cinous, supra, au para 84
  5. R c Singh, 2016 ONSC 3739 (CanLII), 131 WCB (2d) 140, par Fairburn J, au para 36
    R c Ronald, 2019 ONCA 971 (CanLII), par Doherty JA, au para 44
  6. R c Buzizi, 2013 SCC 27 (CanLII), [2013] 2 SCR 248, par Fish J (3:2), au para 16
    R c Cairney, 2013 SCC 55 (CanLII), [2013] 3 SCR 420, par McLachlin CJ, au para 21
    R c Suarez-Noa, 2017 ONCA 627 (CanLII), 350 CCC (3d) 267, par Doherty JA, au para 41
  7. Cinous, supra, au para 52 ("It is trite law that the air of reality test imposes a burden on the accused that is merely evidential, rather than persuasive.")
  8. R c Ribic, 2008 ONCA 790 (CanLII), 238 CCC (3d) 225, par Cronk JA, au para 38 (all defences "that are realistically available on the evidence")
    Cinous, supra, au para 50 (“a defence should be put to a jury if and only if there is an evidential foundation for it”)
  9. R c Gunning, 2005 SCC 27 (CanLII), [2005] 1 SCR 627, per Charron J, au para 29
  10. Ribic, supra, au para 38 ("if evidential support for a necessary element of a defence is lacking, the air of reality test will not be met.")
  11. Cinous, supra, aux paras 57 et 82
  12. Ribic, supra, au para 38
  13. Cinous, supra, au para 83
  14. Cinous, supra, au para 53 ("In applying the air of reality test, a trial judge considers the totality of the evidence, and assumes the evidence relied upon by the accused to be true")
  15. Cinous, supra, au para 54 ("The trial judge does not make determinations about the credibility of witnesses, weigh the evidence, make findings of fact, or draw determinate factual inferences")
  16. Cinous, supra, au para 54 ("whether the defence is likely, unlikely, somewhat likely, or very likely to succeed at the end of the day")
  17. R c Larose, 2013 BCCA 12 (CanLII), par Chiasson JA, aux paras 27 to 28
  18. Cinous, supra, aux paras 65 and 51tb83
    R c Savoury, 2005 CanLII 25884 (ON CA), 200 CCC (3d) 94, par Doherty JA, au para 45
    R c Basit, 2013 BCSC 70 (CanLII), par Voith J, au para 7
  19. R c Park, 1995 CanLII 104 (SCC), [1995] 2 SCR 836, per Lamer CJ
    R c Esau, 1997 CanLII 312 (SCC), [1997] 2 SCR 777, par Major J
  20. R c Gauthier, 2013 SCC 32 (CanLII), [2013] 2 SCR 403, per Wagner J, au para 29
  21. Cinous, supra, au para 55
    R c Tran, 2010 SCC 58 (CanLII), [2010] 3 SCR 350, per Charron J, au para 40
    R c McRae, 2005 CanLII 26592 (ON CA), 199 CCC (3d) 536, par Simmons JA, au para 38 ("[T]he question of whether there was an air of reality to the defence of duress is an issue of law")
    R c Ryan, 2011 NSCA 30 (CanLII), 269 CCC (3d) 480, per MacDonald JA, au para 114
    R c Budhoo, 2015 ONCA 912 (CanLII), 343 OAC 269, par Benotto JA, au para 40 (" determination as to whether there is an air of reality to a defence is a question of law, subject to appellate review on a correctness standard")
  22. R c Dupe, 2016 ONCA 653 (CanLII), 340 CCC (3d) 508, par Doherty JA, au para 79
  23. R c Land, 2019 ONCA 39 (CanLII), 145 OR (3d) 29, par Paciocco JA, au para 71
  24. R c Paul, 2020 ONCA 259 (CanLII), par Harvison Young JA, aux paras 26 to 31

Voir également