Mauvaise compréhension de la preuve
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Principes généraux
Lors d'un procès devant juge seul, un appel pour mauvaise interprétation de la preuve fait référence à l'un des trois manquements du juge de première instance dans un procès devant juge seul :[1]
- un « manquement à prendre en compte des éléments de preuve pertinents à une question importante » ;
- une « erreur quant au contenu des éléments de preuve » ; ou
- un « manquement à donner un effet approprié aux éléments de preuve ».
Les erreurs d’interprétation de la preuve ne constituent pas toutes des erreurs annulables.[2] L’erreur doit entraîner un verdict déraisonnable, une erreur de droit incurable ou une erreur judiciaire.[3]
L'erreur réversible doit :[4]
- "go to the substance" of the case and cannot simply be a "detail";
- It must be "material" and not "peripheral" to the reasoning of the case;
- the error must "play an essential part in the reasoning process", and not simply be narrative.
L'examen de la question de savoir si l'erreur d'appréciation a influé sur le verdict doit être fait « à la lumière du principe fondamental selon lequel un verdict doit être fondé exclusivement sur la preuve présentée au procès ».[5]
- Analyse recommandée
La première étape de l'analyse doit consister à examiner le « caractère raisonnable du verdict ». S'il est déraisonnable, l'accusé a droit à un acquittement.[6] Si le verdict n'est pas déraisonnable, l'étape suivante consiste à déterminer s'il y a eu une « erreur judiciaire » qui donnerait droit à l'accusé à un verdict annulé et à un nouveau procès.[7] Enfin, s'il n'y a pas eu d'erreur judiciaire, l'étape finale consiste à déterminer si l'erreur d'interprétation équivalait à une erreur de droit, laquelle, si elle est prouvée, impose à la Couronne le fardeau de prouver qu'il n'y a pas eu d'erreur judiciaire justifiant un nouveau procès.[8]
Le critère exige un réexamen de la preuve, ce qui comprend une certaine réévaluation et un examen de l’effet de la preuve.[9]
Il ne suffit pas de s’appuyer sur « un vague malaise ou un doute persistant ou latent ».[10]
- Interprétation
L’appelant ne peut pas simplement « sélectionner » des phrases incorrectes sans tenir compte du contexte complet.[11]
Les motifs doivent être lus « dans leur ensemble », dans le contexte de la preuve, des questions et des arguments d'un procès, ainsi que des objectifs et des fonctions des motifs.[12]
- Ampleur de l'erreur
L'appel pour mauvaise interprétation de la preuve exige que l'erreur soit « importante, et non périphérique, par rapport au raisonnement du juge de première instance » et qu'elle « joue un rôle essentiel dans le processus de raisonnement menant à une condamnation ». [13]
Le fait de ne pas donner à la preuve le sens préconisé par l'avocat ne constitue pas une mauvaise interprétation.[14]
L'allégation selon laquelle le juge de première instance a simplement interprété la preuve différemment d'une partie ne constitue pas une malentendu.[15]
- Test Biniaris vs test Lohrer
Le test Biniaris porte sur le caractère raisonnable d'un verdict. [16] Les différences entre les deux tests sont les suivantes :[17]
- le « test Lohrer s'applique lorsque l'attaque porte sur une constatation de fait distincte et qu'il semble que la conclusion du juge de première instance sur ce fait n'est appuyée par aucune preuve, ou peut-être qu'elle va à l'encontre du poids écrasant de la preuve sur ce point » ; * le test Biniaris « s'applique lorsque l'attaque porte sur la solidité globale de l'affaire, et non sur une constatation de fait distincte qui serait manifestement incompatible avec les preuves non contredites ».
- ↑
R c Morrissey, 1995 CanLII 3498 (ON CA), 97 CCC (3d) 193, par Doherty JA, au para 83 (misapprehension is the "failure to consider evidence relevant to a material issue, a mistake as to the substance of the evidence, or a failure to give proper effect to the evidence."
R c MacIsaac, 2013 NLCA 26 (CanLII), 335 Nfld & PEIR 199, par Rowe JA, aux paras 16 à 18
R c Stennett, 2021 ONCA 258 (CanLII), par Watt JA, au para 50 - ↑
R c Butler, 2013 ONSC 2403 (CanLII), 44 MVR (6th) 281, par Durno J, au para 63
R c Vant, 2015 ONCA 481 (CanLII), 324 CCC (3d) 109, par Watt JA, au para 108
- ↑
R c GG, 1995 CanLII 8922 (ON CA), 97 CCC (3d) 362, par Laskin JA, au para 59
Morrissey, supra
Voir l'art. 686(1)(a)(iii) concernant les appels de la défense en cas d'erreurs de jugement
- ↑
R c Lohrer, 2004 CSC 80 (CanLII), [2004] 3 RCS 732, par Binnie J, aux paras 1 à 4 ("The misapprehension of the evidence must go to the substance rather than to the detail. It must be material rather than peripheral to the reasoning of the trial judge.")
- ↑
Vant, supra, au para 108
Morrissey, supra, au para 93 - ↑
Vant, supra, au para 109
Stennett, supra, au para 51 ("...the reviewing court considers first the reasonableness of the verdict rendered by the trier of fact. If the verdict is not unreasonable, then the reviewing court must decide whether the misapprehension of evidence caused a miscarriage of justice. If the appellant fails on this ground as well, the court must inquire whether the misapprehension amounted to an error of law, and if so, whether that error occasioned the appellant a substantial wrong or miscarriage of justice: ...") - ↑
Vant, supra, au para 109
Stennett, supra, au para 51 - ↑
Vant, supra, au para 109
Stennett, supra, au para 51 - ↑ R c Lemaigre, 2016 SKCA 132 (CanLII), par Caldwell JA, au para 21
- ↑ , ibid., au para 21
- ↑ R c Davis, 1999 CanLII 638 (CSC), [1999] 3 RCS 759, per Lamer CJ, au para 103 (“It is not sufficient to “cherry pick” certain infelicitous phrases or sentences without enquiring as to whether the literal meaning was effectively neutralized by other passages”)
- ↑ R c GC, 2022 ONCA 678 (CanLII), par curiam, au para 14
- ↑
R c Lee, 2010 ABCA 1 (CanLII), 23 Alta LR (5th) 76, per curiam (2:1), aux paras 8 à 9
R c Loher, 2004 CSC 80 (CanLII), [2004] 3 RCS 732, par Binnie J, aux paras 1, 2
R c Morrissey, 1995 CanLII 3498 (ON CA), 97 C CC (3d) 218, par Doherty JA, aux paras 218 et 221
voir R c Izzard, 2013 NSCA 88 (CanLII), per Beveridge JA
Butler, supra, au para 63
- ↑
R c DB, 2012 ONCA 301 (CanLII), par Doherty JA
Butler, supra, au para 63 - ↑
R c Lee, 2010 CSC 52 (CanLII), [2010] 3 RCS 99, per curiam, au para 4
- ↑ voir Verdict déraisonnable
- ↑
Movchan, supra, au para 24
Test de la force globale (test du verdict déraisonnable de Biniaris)
Test de l'élément central (test de l'erreur judiciaire de Lohrer)
Le juge de première instance commet une erreur de droit s'il ne tient pas compte de la totalité de la preuve.[1] Le manquement doit avoir « joué un rôle essentiel, non seulement dans le récit du jugement, mais dans le processus de raisonnement ayant abouti à la condamnation. »[2] Ce motif d'appel concerne la mauvaise interprétation de la preuve.
Le critère de Lohrer découle d'un élargissement de l'analyse de la mauvaise interprétation au-delà de l'application du pouvoir prévu au sous-al. 686(1)(a)(i) et d'un élargissement de l'analyse pour appliquer le pouvoir prévu au sous-al. 686(1)(a)(iii) en cas d'erreur judiciaire.[3]
Le test de Lohrer a également été formulé comme suit :[4]
- une mauvaise interprétation de la preuve ne viciera une déclaration de culpabilité que si l’erreur était un élément central du raisonnement du juge sur lequel la déclaration de culpabilité est fondée; et
- le moyen de déterminer si l’erreur était un élément central du raisonnement du juge est de déterminer si la rayer du jugement laisserait le raisonnement du juge de première instance sur un terrain instable.
- Analyse du « procès inéquitable »
L'interprétation erronée peut renverser le verdict lorsqu'elle rend le procès inéquitable, entraînant ainsi une fausse couche.[5] Les tribunaux de révision examinent « la nature et l'étendue de l'interprétation erronée et son importance pour le verdict rendu au procès ». Si l'erreur joue « un rôle essentiel » dans les motifs, elle constituera alors une erreur judiciaire.[6] L'analyse du procès inéquitable est une « norme rigoureuse ».[7]
L'erreur d'interprétation n'est pas une erreur judiciaire lorsqu'elle touche aux « détails » de la preuve (par opposition à la substance) et ne fait pas simplement partie du récit du jugement.[8] Le malentendu ne peut pas être périphérique.[9]
L’erreur est de nature à laisser le raisonnement sur des « bases instables » si elle était radiée du jugement.[10] Il doit s'agir d'un « élément central » du raisonnement du juge de première instance.[11]
- ↑ R c Lohrer, 2004 CSC 80 (CanLII), [2004] 3 RCS 732, par Binnie J
- ↑
, ibid., au para 2
R c Movchan, 2016 ABQB 317 (CanLII), 39 Alta LR (6th) 347, per Yungwirth J, aux paras 22 à 25 - ↑ R c Lemaigre, 2016 SKCA 132 (CanLII), par JA, au para 22 ("...in R v Lohrer, ... the Supreme Court has recognised, in the circumstances of a case such as this one, that an appellate court may go beyond its power under s. 686(1)(a)(i) to exercise its power under s. 686(1)(a)(iii) of the Criminal Code where the appellate court concludes that there has been a misapprehension of the evidence requiring a new trial.")
- ↑
R c Kaemmer, 2019 BCCA 136 (CanLII), par Hunter JA, au para 28
voir aussi R c Wei, 2016 BCCA 75 (CanLII), par Fenlon JA - ↑
Stennett, supra, au para 52
R c Gauthier, 2021 ONCA 216 (CanLII), par Harvison Young JA, au para 53
- ↑ Stennett, supra, au para 52
- ↑
Stennett, supra, au para 52
R c Khan, 2014 ONCA 795 (CanLII), par curiam - ↑ Gauthier, supra, au para 54 ("...the misapprehension must go to the substance, rather than the detail, of the evidence and that the error must play an essential part in not just the narrative of the judgment but in the reasoning process resulting in a conviction.")
- ↑ McGuinty v 1845035 Ontario Inc. (McGuinty Funeral Home), 2020 ONCA 816 (CanLII), par Hushcroft JA at para 39
- ↑
Sinclair, 2011 CSC 40 (CanLII), [2011] 3 R.C.S. 3, au par. 56, Lebel J
R c Hemsworth, 2016 ONCA 85 (CanLII), 334 CCC (3d) 534, par Epstein JA, au para 40 - ↑ R c Marshall, 2017 ONCA 801 (CanLII), par Epstein JA, au para 55
Conséquence des conclusions erronées
Lorsqu'il y a une conclusion d'interprétation erronée réversible de la preuve, il importe peu que le reste de la preuve puisse ou non appuyer une déclaration de culpabilité. L'erreur « équivaut à un procès inéquitable » et nécessite l'annulation de la condamnation.[1]
- ↑
R c Barber, 2018 ONSC 4940 (CanLII), par Andre J, au para 17
R c Lohrer, 2004 CSC 80 (CanLII), [2004] 3 RCS 732, par Binnie J, au para 1