Au-delà de tout doute raisonnable

De Le carnet de droit pénal
Cette page a été mise à jour ou révisée de manière substantielle pour la dernière fois janvier 2020. (Rev. # 23725)

Principes généraux

Voir également: Norme de preuve

La norme de preuve « au-delà de tout doute raisonnable » (BARD) est une norme de preuve de common law en matière pénale.[1] Cette norme est exclusivement utilisée dans les procédures pénales ou quasi pénales. Cela comprend non seulement les procès criminels pour adultes, mais aussi les affaires de jeunes contrevenants, les peines pour adultes et certaines infractions pénales provinciales.

Dans tous les procès criminels, la Couronne doit prouver chaque « élément essentiel » hors de tout doute raisonnable.[2]

Fichier:Standard of Proof.png

Le critère du « doute raisonnable » consiste en un doute fondé sur la raison et le bon sens, qui doit être logiquement fondé sur les preuves ou l’absence de preuves. Il ne repose pas sur la « sympathie ou les préjugés ».[3]

Objectif et fondement constitutionnel

La norme de la charge ultime de la preuve est « inextricablement liée au principe fondamental de tous les procès criminels, la présomption d'innocence ».[4] La charge ne devrait jamais être transférée à l'accusé.[5]

La présomption d'innocence et la norme de preuve pénale sont obligatoires étant donné que l'accusé fait face à de « graves conséquences sociales et personnelles » découlant de sa condamnation.[6]

Niveau de certitude

Preuve hors de tout doute raisonnable « elle n'implique pas une preuve avec une certitude absolue ; ce n'est pas une preuve hors de tout doute ni un doute imaginaire ou frivole. »[7]

Cependant, la conviction que l'accusé est « probablement coupable » n'est pas suffisante et doit prononcer l'acquittement.[8]

Le fardeau de la preuve qui incombe à la Couronne est « beaucoup plus proche de la certitude absolue que de la prépondérance des probabilités. »[9] The standard is more "than proof that the accused is probably guilty" in which case the judge must acquit.[10]

Connaître quelque chose avec une « certitude absolue » revient à « savoir quelque chose au-delà de toute possibilité de doute. »[11] Il ne s'agit pas d'une norme reconnue en droit.[12]

Une telle norme est « pratiquement impossible à prouver » et « impossiblement élevée » pour que la Couronne soit tenue de la respecter. [13]

Relation avec la preuve

« [U]n doute raisonnable n’a pas besoin d’être fondé sur la preuve; il peut découler d’une absence de preuve ou d’un simple manque de preuve à convaincre le juge des faits au niveau requis de la preuve hors de tout doute raisonnable. »[14]

La norme BARD ne s’applique qu’à l’évaluation de la preuve dans son ensemble et non à des aspects individuels de la preuve.[15] The standard should be applied for the purpose of determining whether individual elements are proven beyond a reasonable doubt.[16]

Dans les cas où le témoignage du plaignant n'est pas corroboré, la charge de la preuve BARD est décrite comme « lourde » et « difficile à assumer ».[17] La raison en est de garantir que « des personnes innocentes ne soient jamais condamnées ».[18]

Inférences et conjectures

Le doute raisonnable doit être une conclusion rationnelle tirée des preuves disponibles et non une base de conjecture.[19]

Risque de condamnation injustifiée

Un verdict de culpabilité doit être soigneusement étudié afin de protéger la liberté de l'accusé et de le protéger contre une condamnation injustifiée.[20]

Instructions au jury

La norme ne doit pas être formulée d'une manière qui pourrait entraîner une application subjective de la norme.[21]

Évaluation des preuves

Lors de l'application de la norme BARD, le juge doit appliquer le même niveau de contrôle aux preuves de la Couronne et de la défense.[22]

Conséquence du doute raisonnable

La conclusion de l'existence d'un doute raisonnable « n'équivaut pas à une décision positive selon laquelle [les allégations] ne se sont jamais produites ».[23] Il s'agit simplement d'une conclusion selon laquelle la preuve n'est pas « suffisamment claire » pour permettre une acceptation des faits essentiels à un « degré acceptable de certitude ou de confort » suffisant pour écarter la présomption d'innocence.[24]

Histoire

Les origines du doute raisonnable remontent à la Common law anglaise de 1780. Cette norme est née d'un éloignement d'une norme fondée sur des croyances chrétiennes selon laquelle une condamnation injustifiée entraînerait la mise en gage de l'âme du juré. Une brochure distribuée aux jurés à l'époque stipulait que « le juré qui déclare une autre personne coupable est passible de la vengeance de Dieu sur sa famille et son commerce, corps et âme, dans ce monde et dans celui à venir ». Cette norme religieuse a donné lieu à une crainte généralisée des fausses condamnations. Une norme plus laïque permettrait aux jurés de condamner sans mettre leur âme en danger[25]

  1. affirmed under the English common law of England in Woolmington v DPP , [1935] A.C. 462 (HL) (UK) at 481-82
  2. R c Vaillancourt, 1987 CanLII 2 (CSC), [1987] 2 RCS 636, per Lamer J
  3. R c Lifchus, 1997 CanLII 319 (CSC), [1997] 3 RCS 320, per Cory J (9:0), au para 36
    See also: In R c JMH, 2011 CSC 45 (CanLII), [2011] 3 RCS 197, per Cromwell J (9:0), au para 39 ( “a reasonable doubt does not need to be based on the evidence; it may arise from an absence of evidence or a simple failure of the evidence to persuade the trier of fact to the requisite level of beyond reasonable doubt.”)
  4. Lifchus, supra, au para 36
  5. Lifchus, supra, au para 36
  6. R c Oakes, 1986 CanLII 46 (CSC), [1986] 1 RCS 103 (CSC), per Dickson CJ ("The presumption of innocence protects the fundamental liberty and human dignity of any and every person accused by the State of criminal conduct. An individual charged with a criminal offence faces grave social and personal consequences, including potential loss of physical liberty, subjection to social stigma and ostracism from the community, as well as other social, psychological and economic harms. In light of the gravity of these consequences, the presumption of innocence is crucial. It ensures that until the State proves an accused's guilt beyond all reasonable doubt, he or she is innocent. This is essential in a society committed to fairness and social justice.")
  7. Lifchus, supra, au para 31, 1fqzs36
  8. Lifchus, supra, au para 36
  9. R c Starr, 2000 CSC 40 (CanLII), [2000] 2 RCS 144, per Iacobucci J (5:4), au para 242 ("...an effective way to define the reasonable doubt standard for a jury is to explain that it falls much closer to absolute certainty than to proof on a balance of probabilities. ...a trial judge is required to explain that something less than absolute certainty is required, and that something more than probable guilt is required, in order for the jury to convict. ... The additional instructions to the jury set out in Lifchus as to the meaning and appropriate manner of determining the existence of a reasonable doubt serve to define the space between absolute certainty and proof beyond a reasonable doubt. ")
  10. Lifchus, supra, au para 36
  11. R c Layton, 2008 MBCA 118 (CanLII), 238 CCC (3d) 70, par Hamilton JA (2:1)
  12. R c Thies J.B. (Leading Seaman), 2014 CM 3006 (CanLII), au para 43 ("Absolute certainty is a standard of proof that does not exist in law. The prosecution only has the burden of proving the guilt of an accused person, in this case Leading Seaman Thies, beyond a reasonable doubt. To put it in perspective, if the Court is convinced or would have been convinced that the accused is probably or likely guilty, then the accused would have been acquitted since proof of probable or likely guilt is not proof of guilt beyond a reasonable doubt.")
  13. Lifchus, supra, au para 39
  14. JMH, supra
  15. R c Stewart, 1976 CanLII 202, [1977] 2 RCS 748, per Pigeon J (6:3) at 759-61
    R c Morin, 1988 CanLII 8, [1988] 2 RCS 345 at 354, 44 CCC (3d) 193, par Sopinka J
    R c White, 1998 CanLII 789, [1998] 2 RCS 72, 125 CCC (3d) 385, par Major J (7:0), aux paras 38 à 41
  16. R c McKay, 2017 SKCA 4 (CanLII), 136 WCB (2d) 310, par Whitmore JA (3:0), au para 18 ("The standard of proof, being beyond a reasonable doubt, is not to be applied to individual pieces of evidence. Rather, it is to be applied to the evidence as a whole for the purpose of determining whether each of the necessary elements of an offence has been established.")
  17. R c Nyznik, 2017 ONSC 4392 (CanLII), 350 CCC (3d) 335, par Molloy J, au para 16 (" In many cases, the only evidence implicating a person accused of sexual assault will be the testimony of the complainant. There will usually be no other eye-witnesses. There will often be no physical or other corroborative evidence. For that reason, a judge is frequently required to scrutinize the testimony of a complainant to determine whether, based on that evidence alone, the guilt of an accused has been proven beyond a reasonable doubt. That is a heavy burden, and one that is hard to discharge on the word of one person") R c Jackson, 2019 NSSC 202 (CanLII), par Brothers J, au para 150
  18. Nyznik, supra, au para 16
  19. R c Wild, 1970 CanLII 148 (CSC), [1971] RCS 101 at 113
  20. R c W(R), 1992 CanLII 56 (CSC), [1992] 2 RCS 122, par McLachlin J (6:0) in context of child witnesses ("Protecting the liberty of the accused and guarding against the injustice of the conviction of an innocent person require a solid foundation for a verdict of guilt")
  21. R c Stubbs, 2013 ONCA 514 (CanLII), 300 CCC (3d) 181, par Watt JA (3:0), au para 99
    R c Bisson, 1998 CanLII 810 (CSC), 121 CCC (3d) 449, per Cory J (7:0), au p. 311 (SCR)
  22. R c Johnstone, 2019 ABQB 965 (CanLII), per Renke J, au para 11
    R c Wanihadie, 2019 ABCA 402 (CanLII), 99 Alta LR (6th) 56, aux paras 33 à 36, par curiam
    R c Howe, 2005 CanLII 253, 192 CCC (3d) 480; [2005] OJ No 39 (ONCA), par Doherty JA, aux paras 59 à 64
    R c Norman, 1993 CanLII 3387, 87 CCC (3d) 153, [1993] OJ No 2802 (ONCA), par Finlayson JA at 24 - 25
    R c Schell, 2013 ABCA 4 (CanLII), 293 CCC (3d) 400, par curiam, au para 34
    R c MJB, 2015 ABCA 146 (CanLII), 331 CCC (3d) 295, par curiam (2:1), au para 33
    R c McGown, 2016 ONCA 575 (CanLII), 341 CCC (3d) 53, par Cronk JA, au para 96
  23. R c Ghomeshi, 2016 ONCJ 155 (CanLII), 27 CR (7th) 17, par Horkins J, au para 140
  24. , ibid., aux paras 140 et 141
  25. James Q. Whitman, The Origins of Reasonable Doubt: Theological Roots of the Criminal Trial, Yale University Press (2008) [1]

Utilisation d'illustrations pour articuler la norme

Les exemples et les illustrations sont autorisés pour décrire la norme BARD à condition qu'ils ne privent pas les participants du droit de tirer leurs propres conclusions.[1] Cependant, l'utilisation d'illustrations ou d'exemples pour articuler la norme BARD est « semée d'embûches ».[2] The use of examples tends to lower the standard to that of a balance of probabilities and encourage a subjective standard.[3]

En donnant des exemples, on risque de donner l'impression que la décision « peut être prise sur la même base que toute décision prise dans le cadre de la routine quotidienne », ce qui tend à rapprocher la norme de celle de la « probabilité ».[4] Cela crée également une subjectivité excessive dans l'interprétation, où la considération variera en fonction de l'expérience de vie de chaque personne.[5]

  1. R c Stavroff, 1979 CanLII 52 (CSC), [1980] 1 RCS 411, par McIntyre J (7:0) including p. 416 (SCR)
  2. R c Stubbs, 2013 ONCA 514 (CanLII), 300 CCC (3d) 181, par Watt JA (3:0), au para 98
    R c Bisson, 1998 CanLII 810 (CSC), [1998] 1 RCS 306, per Cory J (7:0), au para 6 ("No matter how carefully they may be crafted, examples of what may constitute proof beyond a reasonable doubt can give rise to difficulties")
  3. Stubbs, supra, au para 99
  4. Bisson, supra, au para 6
  5. Bisson, supra, au para 6

Soulever un doute

Voir également: Inférences

Un doute raisonnable ne peut pas être basé sur des « spéculations ou des conjectures ».[1]

La Couronne n’a pas le devoir de « réfuter toute conjecture selon laquelle des preuves circonstancielles pourraient être compatibles avec l’innocence de l’accusé ».[2]

Défense « Bero »

L'absence de preuve en raison de l'omission de la police de prendre des mesures d'enquête sera parfois un facteur important à prendre en considération pour déterminer si la Couronne a prouvé sa thèse hors de tout doute raisonnable.[3]

La défense est autorisée à obtenir des éléments de preuve de témoins sur les éventuelles lacunes de l'enquête. Les oublis dans une enquête « peuvent être particulièrement importants lorsqu'aucune preuve de la défense n'est présentée ».[4]

  1. R c Henderson, 2012 NSCA 53 (CanLII), 1003 APR 164, per Saunders JA (3:0), au para 40
    R c White, 1994 NSCA 77 (NSCA), 89 CCC (3d) 336, per Chipman JA (3:0)
    R c Eastgaard, 2011 ABCA 152 (CanLII), 276 CCC (3d) 432, par curiam (2:1), au para 22, aff’d 2012 CSC 11 (CanLII), par McLachlin CJ (7:0)
  2. R c Tahirsylaj, 2015 BCCA 7 (CanLII), par Bennett JA (3:0), au para 39
    R c Paul, 1975 CanLII 185 (CSC), 27 CCC (2d) 1 (CSC), [1977] 1 RCS 181, 64 DLR (3d) 491, per Ritchie J (6:3) at 6 (CCC)
  3. R c Bero, 2000 CanLII 16956 (ON CA), 151 CCC (3d) 545, par Doherty JA (3:0), aux paras 56 à 58
  4. R c Gyimah, 2010 ONSC 4055 (CanLII), par Healey J, au para 20 Bero, supra

Voir également